PHILOSOPHIE
II. PHILOSOPHIE DU VIVANT - "Structure" du Vivant-Homme
ACCUEIL - AUTEUR - PHILOSOPHIE - THÉOLOGIE
Socrate - Introduction - Philosophie du Vivant - Philosophie morale - Philosophie première - Philosophie de la communauté


Grande richesse et complexité du vivant-homme: opérations végétatives, opérations sensibles de connaissance (les sensations) et d’appétits (les passions), opérations spirituelles: celles des facultés de mémoire-intelligence et de volonté.
Unité de vie de ce vivant-homme; mais, unité-harmonie plus ou moins grande dans l’exercice de ses ‘puissances’ et facultés. Sans oublier que le corps du vivant-homme ( ou tout autre vivant), d’une grande richesse de structure physiologique-biologique, est inséré dans l’espace-temps, est soumis aux interactions fondamentales de l’Univers physique (gravitation, électro-magnétiques, nucléaires forte et faible ... domaine d’exploration) et est formé d’éléments chimiques-organiques en équilibre complexe, variable (équilibre plus ou moins bénéfique ou maléfique pour le corps vivant ... domaine d’exploration ).

VIE VEGETATIVE

Degré de vie le plus fondamental, universel, premier selon l’ordre génétique.
Trois ‘puissances’ végétatives sont induites à partir des expériences que nous avons de leurs opérations:
La croissance ordonnée à l’épanouissement plénier (végétatif) du vivant… très conditionnée par le genre de vie (sédentaire, sportif,…) ... “être bien dans son corps” ... rôle de l’exercice physique.
La croissance vitale, tout en impliquant une croissance-transformation physico-chimique et quantitative, n’est pas réductible à cette dernière; la croissance végétative est celle d’un vivant. La “courbe en cloche” caractérise le ‘cheminement global’ - de la naissance à la mort - de tout vivant.
La nutrition-respiration ordonnée à la conservation du vivant. L’aliment - qui ne peut être n’importe quoi - devient la chair vivante du vivant; il s’agit donc d’une transformation vitale impliquant un processus physico-chimique, mais non réductible à celui-ci. La nutrition a un rôle important dans le conditionnement de la croissance du vivant et un rôle non négligeable dans l’exercice de la procréation. La respiration (très contraignante) implique un échange avec l’atmosphère environnante ... la pollution de l’air peut tuer le vivant: soyons attentif à la qualité de l’air!
La procréation-reproduction ordonnée à la conservation de l’espèce. Un (deux) vivant engendre un vivant : à la source d’un vivant, il y a un vivant. Le vivant est parfait (du point de vue “vie végétative”), lorsqu’il est capable d’engendrer un autre vivant.

A ce niveau de vie, la conservation de l’espèce est la fin ultime. La vie végétative, qui se transmet et perdure, a une dimension substantielle, qui la met au-delà du simple devenir du vivant-source.
Le vivant SE meut dans ses opérations vitales ... il exerce sur elles une certaine maîtrise (les êtres physiques sont mus, soumis à des lois, qui les nécessitent). Ces opérations vitales, liées en partie à des organes déterminés, tout en impliquant un conditionnement physico-chimique, manifestent l’originalité propre du vivant relativement à l’univers physique. Lorsque ces trois opérations existent, nous sommes en présence d’un vivant (les ‘cas limites’ sont du ressort du savant et n’intéressent pas le philosophe).
Deux grandes “forces” dites instinctives marquent le vivant végétatif: l’instinct de procréation et l’instinct de survie lié à l’aliment; elles découlent de la finalité même des opérations végétatives.
Le vivant exerce ses opérations dans une unité de vie; un principe réel existe donc en lui qui assure son unité de vie et est source-porteur de la diversité des puissances et de leurs opérations: c’est l’âme végétative ... éduite de la “matière” sous l’influx du vivant-source… voire, lorsque cette matière est suffisamment disposée pour se la donner?


VIE SENSIBLE

Degré de vie essentiellement intermédiaire entre les vies végétative et spirituelle.
Complexité grande de ce degré de vie impliquant sensations (connaissances) et passions (“appétits”). L’analyse philosophique permet de distinguer et d’éclairer ce qui est très mêlé en exercice.
Ce degré de vie n’a pas de véritable finalité propre
(une fin propre exige un dépassement de tout conditionnement, en particulier celui du temps). En conséquence: soit la vie sensible se met au service de la vie spirituelle, soit elle en devient la rivale… hélas, la plupart demeure dans les sens…; de même, soit la vie sensible se met au service de la finalité propre à la vie végétative (procréation), soit elle en devient la rivale (en exaltant le plaisir sensuel pour lui-même).

Connaissance sensible – les sensations :
Connaissance multiple, passagère, mobile, sans repos; première selon l’ordre génétique, d’où son “poids” dans le vivant fait de chair. La connaissance intellectuelle est première selon l’ordre de perfection.
Assimilation intentionnelle: co-naître (prendre en soi), c’est assimiler; mais, à la différence de la nutrition, où l’aliment est détruit dans sa réalité d’aliment, la réalité connue n’est pas détruite. Cette assimilation, dite intentionnelle, est le fruit de l’unité selon la “forme-détermination”; la forme - “libre” à l’égard du mode d’existence - existe dans la réalité connue, participante de l’exister de cette réalité, et, dans la puissance de connaissance, participante de l’exister du connaissant; d’où la rectitude parfaite-fondamentale de l’assimilation intentionnelle; ce n’est que selon le conditionnement dû aux organes physiques que des imperfections se produisent.
Aristote : “J’appelle sensible propre, celui qui ne peut être senti par un autre sens et qui ne laisse aucune possibilité d’erreur ... Les sensibles communs sont le mouvement-devenir physique, le repos, le nombre, la figure, la grandeur, car les sensibles de cette sorte ne sont propres à aucun sens, mais communs à plusieurs.” (“De l’âme”).
La saisie des sensibles propres est source garante du réalisme foncier de la connaissance sensible ... et, fondamentalement, de la connaissance intellectuelle (électrons, neutrons, etc, supputés théoriquement, n’ont eu droit d’existence qu’après être détectés en laboratoire !); elle est source garante d’un équilibre psychique ‘de base’... beaucoup de troubles psychiques sont liés à un manque de connexion avec la réalité concrète, “touchée”, ‘hic et nunc’!
Sens externes:
Par les sens externes, le vivant découvre son milieu de vie et s’y insère plus ou moins bien; il “domine” les distances; il apprécie ses aliments, ... Les sens externes sont comme des fenêtres ouvertes sur le monde, nous permettant de saisir les qualités sensibles propres : couleurs, sons, odeurs-parfums, qualités gustatives-saveurs, qualités tactiles (chaud, froid, sec, humide, dur, mou, ...). Le toucher assure une certaine continuité entre les degrés de vie végétative et sensible-animale … pas de vie sensible sans un certain toucher(le cadavre est un corps sans plus aucune sensibilité tactile, intérieure et extérieure); il est le sens fondamental.
L’équilibre dans l’exercice des sens externes est essentiel; il peut être gravement perturbé par une déficience de l’un ou l’autre des organes physiques-physiologiques des sens (l’aveugle, la surdité, ...) ... ; veillons à avoir une harmonie de qualités dans l’exercice de nos sens!
La diversité des causes a une origine-source fondamentale dans la diversité des sensations externes : vue - couleurs - détermination, quoi? - cause formelle // ouïe - sons- le mouvement-devenir, d’où? - cause efficiente // odorat - odeurs-parfums - l’attrait (+ ou --),pourquoi? en vue de quoi? - cause finale // goût - saveurs - à l’exemple de quoi? sur quel modèle? - cause exemplaire // toucher - qualités tactiles - de quoi? en quoi? - cause matérielle.
Un ‘parallèlisme’ classique existe entre les sens (pris dans l’ordre ci-dessus) et les
Arts fondamentaux: peinture, musique, art des parfums, art gastronomique, sculpture.
Sens internes:
La perception sensible assure la synthèse des sensibles propres… synthèse cohérente et réaliste ... fondement d’un équilibre ‘sain’ de la personne avec son milieu de vie … l’intelligence métaphysique s’y enracine.
L’ imagination explicite les qualités sensibles communes, à savoir celles qui sont saisissables par au moins deux sens externes: grandeur, surface, volume, figure, nombre, mouvement; elle construit son univers: celui des images (qui demeurent toujours singulières) ... très ‘ouverte’: elle peut devenir la ‘folle du logis’!… l’intelligence mathématique, l’intelligence artistique s’y enracinent.
La cogitative (pour les animaux, on l’appelle estimative) en connaissant les ‘rapports’ du vivant et de son milieu de vie est le sommet de la connaissance sensible; elle éclaire ‘l’agir’ que le vivant sensible doit exercer dans son milieu de vie pour s’épanouir et survivre ... rôle important d’une ‘éducation-apprentissage’, même pour les animaux ... le vivant doit SE gouverner ... Faculté de la lutte pour la vie, elle est enracinée en la perception sensible et réservée-prudente à l’égard de l’imagination qui peut l’induire en erreur ... Elle puise dans la mémoire sensible pour mieux éclairer son ‘agir. L’intelligence pratique-engagée s’y enracine.
La vie affective -- celle des passions -- s’enracine en elle.
La mémoire sensible garde “vitalement” (certains événements demeurent présents, d’autres s’estompent) – non à la manière d’un ordinateur – le vécu sensible du vivant.

Toutes les sensations, ‘fruits’ propres aux sens internes et externes, sont singulières, “individuées par la matière”.
Les opérations de connaissance sensible sont liées à des organes physiques (oeil, …cerveau); elles sont normalement conscientes; elles impliquent une liberté d’exercice et exigent un contact physique (immédiat pour les sensations externes, médiat pour les sensations internes). Elles sont génétiquement première d’où leur poids dans l’histoire du vivant-homme. La connaissance intellectuelle, première selon l’ordre de perfection, se fonde dans la connaissance sensible; connaissance qu’elle doit assumer et gouverner!
Les opérations végétatives sont liées à des organes physiques, non conscientes, constatables à leurs effets; elles jouissent d’une certaine liberté d’exercice (manger, ne pas manger,…).

Appétits sensibles - les passions :
Nos connaissances sensibles engendrent, déclenchent en nous, des tendances-inclinations affectives, ou des mouvements de rejet, de répulsion; ces opérations, les passions, nous orientent vers un bien sensible ou nous éloignent d’un mal sensible. Par les sensations, nous prenons en nous la réalité sensible connue; par les passions, nous sommes attirés (positivement - est bien, ce qui attire - ou négativement) vers elle. Deux facultés-puissances dites appétitives (du latin: appetitus = désir) sont induites à partir de ces expériences: (a) Le concupiscible qui nous rend capable d’être attiré par un bien sensible ou de rejeter un mal sensible; (b) L’irascible qui nous permet de “conquérir” un bien sensible difficile à saisir-posséder ou de fuir um mal sensible qui s’impose.
Organisation - distinction des passions de l’irascible:
La colère : en présence d’un mal (désordre, injustice, mensonge,...) veut rétablir le bien (ordre, justice, vérité,..); la colère n’a pas de contraire.
L’audace : se porte vers le mal imminent avec la conviction de la victoire (ce qui implique espoir ... parfois un ‘fol espoir’). La crainte : repli affectif sur soi face à un mal imminent (l’espoir de dominer ce mal est impliqué) ... crainte de la mort qui n’est souvent explicitée qu’à son heure !
L’espoir : vise un bien sensible de haute valeur, difficile, mais possible à acquérir (ce qui implique ‘amour et désir’ de ce bien); l’espoir dynamise et valorise le vivant (qui vise ‘plus haut’ cherche à se dépasser ... sans trop toutefois !).
Le désespoir : échec affectif face à un bien sensible difficile, impossible, à acquérir ... le désespoir (qui présuppose qu’il y eut espoir) dissout le vivant.
Organisation - distinction des passions du concupiscible :
L’amour : simple complaisance envers un bien sensible (souvent manifesté par le désir) ... le ‘grain de sénevé’, source de toute vie sensible.
Le désir : regarde le bien aimé, non possédé... le plus expérimenté psychologiquement (en raison de la ‘tension’ intérieure qu’il crée).
Le plaisir - joie sensible : épanouissement du vivant dans la possession du bien aimé.
La haine : rejet affectif de ce qui est perçu comme un mal pour, par, le vivant sensible.
La fuite : éloignement affectif en présence d’un mal.
La tristesse (plus spirituel) - douleur (plus physique): face à un mal qui s’impose.

Les passions ont pour siège le vivant (en son entier), d’où leurs poids, impacts… les sensations, elles, demeurent localisées aux organes physiques (le toucher a un impact plus global).
Les passions impliquent la connaissance sensible… la réalité sensible ne peut émouvoir que si elle est d’abord connue (ce qui ne veut pas dire parfaitement connue)la connaissance est condition nécessaire à l’éclosion, à l’épanouissement de la vie affective.
Les passions du concupiscible sont fondamentales, premières - tout commence par l’amour, la complaisance envers tel bien sensible - et aussi ultimes: tout s’achève dans le plaisir, joie sensible. Les passions de l’irascible ont une noblesse plus grande… surmonter, dominer les obstacles… lutter pour vivre, voire survivre. Le DESIR est le ‘moteur’,plus ou moins explicite, des passions; il dynamise la vie affective-passionnelle (son rôle est est déterminant, premier et ultime,au niveau de la vie spirituelle propre à l’homme).
En exercice, les passions sont très mêlées et s’appellent les unes les autres… elles peuvent être coopératrices du développement d’une vraie vie spirituelle humaine ou, au contraire, mettre obstacle à ce développement…
Les passions, en elles-mêmes, n’impliquent ni bien ni mal moral. A ce niveau sensible, “est bien” ce qui attire; “est mal” ce qui est rejeté. Mais chez l’homme, en tant qu’elles sont sous le commandement-juridiction de la vie spirituelle (celle de l’intelligence-volonté), elles impliquent une connotation morale.
En présence de la diversité des opérations du vivant de vie sensible (et végétative) et de l’unité de vie de ce vivant, l’intelligence induit un principe-source d’unité de vie du vivant et de diversité de ses opérations: l’âme sensible, “éduite de la matière” sous l’influx du vivant-source: à l’origine de tout vivant se trouve un vivant. L’âme sensible assume les opérations propres à la vie végétative, d’où l’unité de vie du vivant.

La locomotion vitale
Le vivant de vie sensible a une capacité de se déplacer dans l’espace, une autonomie de marche… la locomotion vitale implique déplacement physique sans être réductible à celui-ci: le vivant se meut, se déplace.

VIE SPIRITUELLE (d’ordre naturel -- degré de vie propre à l’homme).

L’originalité de la vie spirituelle nous est manifestée par le pouvoir-“dominium”, qu’elle donne à l’homme d’exercer sur le triple univers physique - végétal - animal. C’est une évidence: de la connaissance de l’univers physique (galaxies, étoiles, particules,…), de la connaissance intime de la matière vivante (cellule, chromosomes,…) aux réalisations technologiques du “génie” nucléaire ou génétique, ou spatial (l’homme a marché sur la Lune !). L’homme peut détruire son milieu de vie en se détruisant lui-même! Ce “dominium” est signe de la transcendance de ce degré de vie; deux facultés propres à l’homme sont induites: une faculté de connaissance, l’intelligence, et, une faculté ‘d’attraction-polarisation’ s’exerçant en vue d’un bien ( “ce qui est désirable”, qui peut être non sensible ), la volonté.
Le mode universel de la connaissance et du langage intellectuels se révèle d’une terrible efficacité … en particulier, les langages mathématique et informatique manifestent leur puissance; ce mode universel est signe-preuve de l’originalité de la connaissance intellectuelle relativement à la connaissance sensible toujours singulière. L’attrait que peut exercer un bien --- non exclusivement sensible ... l’amitié , la sagesse, la ‘vie des étoiles’, la ‘structure du noyau atomique,etc --- manifeste l’originalité de la volonté relativement aux puissances affectives sensibles. Ne confondons pas l’amour sensible et l’amour volontaire : “L’amour sensible est dans l’appétit sensitif comme l’amour intellectuel (volontaire) est dans l’appétit intellectuel (la volonté).” (Th.d’Aq.S.T.Ia.IIae.26.1) ... et ne les opposons pas: ils doivent s’exercer en harmonie.
L’immatérialité des facultés spirituelles d’intelligence et de volonté ne sera prouvée d’une manière certaine qu’en Philosophie première, suite aux preuves, que l’intelligence pourra donner, de l’existence d’un Etre premier, esprit pur (donc ne “passant” aucunement dans les sens); cette conclusion métaphysique confirme que les facultés spirituelles sont “de race divine”!

L’intelligence, faculté de connaissance:
* s’exerce en continuité à la connaissance sensible, elle puise sa “nourriture” dans les sensations; rien ne se trouve dans l’intellect qui ne soit d’abord, d’une certaine manière, dans le sensible (ceci est parfaitement illustré par les concepts de la Physique moderne, qui se sont élaborés à partir de concepts beaucoup plus ‘sensibles-imaginatifs’ ... espace, termps, ondes, corpuscules, etc.);
* procède par abstraction, mise en lumière des éléments les plus ‘intelligibles’ enfouis dans les sensations (‘quiddités’ des réalités sensibles, etc.)...ces éléments sont saisis sous un mode universel, alors que toute sensation est singulière;
* ses opérations, conscientes et libres, ne sont liées à des organes physiques qu’en raison de leur conditionnement sensible;
* s’exerce selon deux modalités : co-naître, ‘prendre en soi’: intelligence au sens strict.; garder ce qui est saisi : mémoire (intellectuelle, distincte de la mémoire du sensible).
* s’achève dans la connaissance de la VÉRITÉ.

La volonté, faculté d’appétit - attraction - polarisation:
* son exercice implique celui des passions… l’affectivité engage le vivant en son entier;
* elle doit exercer une maîtrise, un gouvernement, sur l’affectivité sensible… purifications;
* en son exercice, on distingue une volonté antécédente, pré-conceptuelle, et une volonté conséquente en tant que la connaissance lui apporte sa vive lumière;
* ses opérations impliquent “amour volontaire”, “désir volontaire”, joie, espoir, etc;
* elle est finalisée par un BIEN (simpliciter = en tant que tel… qu’il soit de fait sensible ou non).

L’unicité de chacune de ces facultés est une conséquence de leur immatérialité (qui leur permet d’assumer ce qui est strictement sensible ou non sensible)… le bien qu’il soit difficile ou non est toujours saisi sous son rapport de bien (ce qui attire)… la diversité des puissances cognoscitives sensibles est une conséquence de la diversité des organes physiques.
Intelligence et volonté ‘s’interpénétrent’ selon l’exercice… n’imaginons pas une distance entre elles (comme si elles étaient matérielles et localisables!). L’intelligence est première selon la détermination. La volonté est première selon l’exercice – l’amour, attrait exercé par un bien, est source cachée de notre vie- devenir spirituelle – et selon la fin (‘en vue de quoi’). L’intelligence est condition “sine qua non” de l’exercice de la volonté: le bien doit être connu (au moins confusément) pour que l’affectivité volontaire soit “mise en mouvement”.

Un schéma circulaire permet de manifester cela ... et St.Thomas d’Aquin confirme :

  objet  
vol.
ant.
vol.
cons.
  intel.  

Intelligence et volonté s’enveloppent mutuellement par leurs actes:
car l’intelligence comprend que la volonté veut, et la volonté veut que
l’intelligence comprenne.”
“Le vrai et le bien s’impliquent mutuellement: car le vrai est un bien,
sans quoi il ne serait pas désirable; et le bien est un vrai, autrement,
il ne serait pas intelligible.”
(S.T. Ia.qu.82,a.4; qu.79,a11)
L’intelligence n’est pleinement elle-même que si elle est finalisée par l’amour: amour de la vérité, amour de l’autre; deux dangers guettent l’intelligence: s’exalter en elle-même (les athéismes) ou se mettre au service exclusif du pouvoir-dominium (auto-destruction… même de l’humanité).
Supériorité relative de l’intelligence et de la volonté: si la qualité-noblesse de l’objet connu-désiré: est inférieure à la qualité-noblesse de l’âme, il vaut mieux le connaître que de l’aimer; est supérieure à la qualité-noblesse de l’âme, il vaut mieux l’aimer que de le connaître!
St.Thomas d’Aquin : “...C’est pourquoi, il est mieux d’aimer Dieu que de Le connaître, et inversement, il vaut mieux connaître les choses matérielles que de les aimer.”(S.T.Ia.qu.82,a.3).

L’Intelligence , ses opérations-types :

La simple appréhension:
Opération fondamentale, première génétiquement… opération comme enfouie dans le jugement.
Cause formelle: la forme - détermination (“ce en vertu de quoi un être est dit être tel”);
Cause matérielle: l’objet, réalité connue;
Le “comment”: assimilation intentionnelle: la forme, libre à l’égard de son mode d’exister, existe dans la réalité connue sous le mode propre d’exister de cette réalité et existe en l’intelligence sous un mode universel, où elle participe de l’exister du connaissant… “unité selon la forme” (analogue à la connaissance sensible avec cette différence profonde, essentielle, que la forme saisie est dépouillée de ses notes singulières en l’intellect);
Cause efficiente: l’intellect - agent (ou actif), c’est-à-dire l’intelligence en tant qu’elle exerce une fonction spécifique, propre, par laquelle elle est capable d’extraire de l’univers sensible (des images toujours singulières) les formes - déterminations sous leur mode universel et de se les donner (“se”: intellect réceptif);
Cause finale: le “verbe intérieur”, c’est-à-dire la forme en tant que présente en l’intellect; ce verbe intérieur est “signe formel” (le connaître est connaître ce qu’il fait connaître… pas de “distance” entre ce verbe intérieur et la forme existante “in re”) et s’exprime dans le “verbe extérieur” qui n’est autre que le mot du langage (enveloppé de son halo d’images). [Au lieu de “verbe”, on dit aussi “concept”.]
Trois modalités de verbe intérieur:
* le “tout global”: fruit immédiat de l’appréhension (sans activité préalable ni du jugement, ni du raisonnement)…abstraction dite totale;
et deux modalités impliquant toute une activité de jugement et de raisonnement préalable, mais s’achevant dans la ligne de l’appréhension… abstraction dite formelle:
* les “quiddités” des réalités sensibles… elles s’attribuent univoquement et manifestent l’exigence de clarté de l’intelligence qui s’exprime le plus souvent dans la définition;
* les notions analogiques (beau, vrai, bien, vie, être,…) qui n’impliquent aucune limite en elles-mêmes et s’attribuent proportionnellement… elles manifestent l’exigence de pénétration de l’intelligence; ces notions ne peuvent être enfermées dans une définition.

Le jugement:
Opération achevée, première selon l’ordre de perfection.
Il implique une mise en relation des “indivisibles”, c’est-à-dire des verbes intérieurs; il compose (affirme) et divise (nie). Ces affirmations et négations impliquent l’usage d’un verbe (non pas verbe intérieur, mais verbe au sens grammatical)… du verbe-source “être” (tout verbe peut se construire à l’aide du seul verbe être); c’est pourquoi, tout jugement fait retour à l’existence, soit d’une manière éloignée et médiate, soit immédiatement: “cette réalité existe” (cette affirmation implique toujours un retour plus ou moins explicite au toucher… même en physique: “toucher” un quark, prévu par la théorie, est une nécessité pour être certain de son existence, d’où l’importance des laboratoires… il y a “toucher” lorsque les instruments qui prolongent nos sens le détecte… mais il faut savoir qu’aucune technique n’est neutre); “j’existe”; “mon ami existe”; “il existe un être dont l’existence est nécessaire”. L’appréhension sépare de l’exister réel. Par le jugement, l’intelligence réaliste, l’intelligence qui veut être “ce qu’elle doit être”, se laisse mesurer par la réalité existentielle. En cette adéquation - conformité du jugement à la réalité, à “ce qui est”, consiste la vérité (dite formelle); la vérité est la qualité - propriété propre du jugement. [L’appréhension est, par nature, vraie… l’intellect-agent a une rectitude parfaite… mais attention au halo d’images qui enveloppe le verbe extérieur!] Mais, en composant et divisant, l’intelligence peut se tromper – sous l’influence des blocages imaginatifs, des passions mal réglées, de l’orgueil qui isole l’intelligence – d’où l’erreur et le mensonge.. [De même dans le raisonnement, qui peut ne plus être correct.]
Le jugement est un certain absolu, un certain tout-un; mais, il n’est pas “fermé sur lui-même”: il implique une capacité réelle d’être relié à d’autres jugements (cf le raisonnement). Une grande diversité de jugements existe et, donc, existe aussi une diversité de modalités de vérité: jugements philosophiques d’existence ou exprimant les premiers principes (cf philosophie première) [vérité dite spéculative]; jugements scientifiques (les lois… vérités scientifiques); jugements prudentiels et affectifs (dont la véracité consiste en la conformité à l’intention morale); jugements artistiques (dits de valeur); jugements politiques.
Il faut noter que:
* La négation, n’ayant d’autre contenu d’intelligibilité que celui de l’affirmation associée, est seconde relativement à l’affirmation; psychologiquement, elle apparait souvent première (on s’affirme par son refus!); métaphysiquement, elle est essentielle pour la saisie des attributs divins, car, l’Etre premier n’est aucunement dans la connaissance sensible.
* Le mot, verbe extérieur, “Dieu”, a, pour nous, un contenu quidditatif vide… aucun “toucher” du “quid divin”! [1 Jn 3.2: “…nous Le verrons tel qu’Il est” (son quid)]; la foi donne des jugements nouveaux :“Je crois…”, mais ne permet pas de saisir le “quid divin”… elle demeure un toucher à l’obscur!
* La notion analogique d’être n’est réductible ni à la forme - détermination, ni à l’exister, ni au devenir (intentionnel, celui qui est propre au raisonnement, ou réel, physique); elle intègre dans son unité analogique toute la richesse de ces qualités; il n’y a pas de saisie intuitive de l’être!

Le raisonnement:
Opération servante… le “devenir intentionnel” est propre à la vie cheminante de l’intelligence, et est ordonné au jugement et à l’appréhension simple (dans sa saisie des quiddités des réalités sensibles et des notions analogiques). N’oublions pas que l’intelligence étant immatérielle, ses opérations propres distinctes entre elles n’ont pas de “distance” entre elles; en exercice, elles sont très entremêlées. Dans ce devenir, l’intelligence manifeste sa capacité de “se mouvoir”, de relier les jugements les uns aux autres, les antécédents aux conséquents; ce devenir permet d’actuer ce qui n’est contenu dans le jugement que d’une manière cachée, voilée (“voilée”: conséquence du mode abstrait de l’appréhension). Ce devenir intentionnel peut être très séduisant pour l’intelligence, puisqu’elle affirme ainsi sa souveraineté… d’où la tentation de s’y enfermer en refusant de conclure à une vérité certaine: voir la dialectique! (et le relativisme doctrinal).
Il existe deux grandes modalités de raisonnement:
* Induction: de l’expérience, de l’existence des effets, elle remonte à la cause, au principe. Ainsi des opérations du vivant à l’existence de l’âme (voir aussi les inductions de la substance, de l’acte); des expériences (classiques) d’optique au concept d’onde, de particule; des expériences philosophiques ou scientifiques aux principes premiers (cf philosophie première) ou aux lois. Elle procède du moins connaissable en soi (de ce qui a une moins grande richesse d’être) au plus connaissable en soi (la cause, le principe).
* Déduction: nous distinguons
a) les raisonnements déductifs qui, partant des causes propres, permettent de connaître certaines propriétés… [en particulier, l’univers des raisonnements mathématiques… la diversité des syllogismes (cf Logique)]… Ces raisonnements nous conduisent du plus connaissable en soi au moins connaissable en soi.
b) les raisonnements qui, partant de l’existence de fait ou réalités singulières, permettent de conclure à l’existence de leur cause; c’est une déduction de ce type que l’on trouve en philosophie première, dans les preuves de l’existence d’un Etre premier… Dans ce type de déduction, on procède du moins connaissable en soi au plus connaissable en soi.
Induction et déduction se trouvent très unies en exercice. Ainsi, les preuves (déductives) de l’existence d’un Etre premier impliquent les principes métaphysiques (fruits de l’induction).
On distingue les raisonnements à priori (le premier type de déduction) et les raisonnements à posteriori (le deuxième type de déduction et les raisonnements inductifs).
Le raisonnement - serviteur permet à l’appréhension et au jugement d’atteindre leur “acmé”(sommet), respectivement dans la saisie des notions analogiques et dans les jugements exprimant les principes de causalité (cf philosophie première) et dans le jugement: “Il existe un Etre dont l’exister est nécessaire”.
Une analogie existe entre ces trois opérations: appréhension simple, jugement, raisonnement, et respectivement: les sensations (saisies des formes singulières), les passions (qui représentent ce qu’il y a de plus achevé dans le vivant de vie sensible), la locomotion vitale; et respectivement aussi: nutrition (assimilation), reproduction (opération - fin de la vie végétative), croissance.

Les grandes phases vitales de la vie de l’intelligence:

L’expérience:
Elle est une source qui permet à notre intelligence de garder son réalisme, de progresser, de se renouveler, d’être véritablement vivante. Elle implique une coopération de la connaissance intellectuelle avec la connaissance sensible:
* expériences philosophiques ... unité de vie et diversité des opérations du vivant, expériences “métaphysiques”;
* expériences - expérimentations scientifiques hautement technicisées et centrées sur la mesure;
* expériences utilitaires, pratiques;
* expériences de type artistique - artisanal;
* expériences affectives–passionnelles ou d’amour d’amitié, impliquant une coopération avec l’affectivité sensible ou volontaire.
L’intuition: connaissance immédiate par l’intelligence d’une forme intelligible (intuitions artistiques très liées à l’inspiration) ou d’une relation (intuitions mathématiques, critiques (en philosophie première), affectives (du coeur)).
L’interrogation: elle manifeste le désir de connaître, la vitalité d’une intelligence en éveil. Les interrogations sont fort diverses: philosophiques ou scientifiques (regardant le conditionnement spatio- temporel de la matière, sa structure, …, les “comment”) ou autres (utilitaires, affectives,…). Il existe des affinités entre les grandes interrogations, les causes, les expériences des sens externes, les arts (élémentaires):

qu’est-ceci? quoi? cause formelle la vue peinture
en quoi? de quoi? cause matérielle le toucher sculpture
d’où? source de ? cause efficiente l’ouïe musique
en vue de quoi? cause finale l’odorat art des parfums
sur quel modèle? cause exemplaire le goût art gastronomique

L’analyse - synthèse: le grand travail de l’intelligence… saisie des causes propres et des principes premiers. Ces causes et principes sont saisis au-delà de leur conditionnement sensible, au-delà “du devenir”, d’où leur pérennité… “Je philosophe pour connaître la personne humaine dans ce qu’elle a de plus profond, pour connaître l’Etre premier et Ses attributs.” Les analyses - synthèses scientifiques demeurent liées aux “comment”: de quelle manière cela vit-il? agit-il? exerce-t-il son action? etc.
La contemplation: La vie de l’intelligence s’achève dans la contemplation de l’Etre premier, “contemplation de la contemplation” (Aristote dixit); elle se donne au travers des attributs divins… dans un au-delà des opérations - types de l’intelligence, qui implique un certain “repos dans la lumière”: c’est alors que l’intelligence (et la volonté) se situe au niveau 7 de la structure de l’homme [le “nous”]… au niveau 6 se place l’intelligence - raison, qui demeure en cheminement. [Pour la volonté fixée en son bien ultime: niveau 7 (ut natura) et “en cheminement”: niveau 6 (ut voluntas) (voir tableau de la structure de l’homme). Les athéismes plafonnent au niveau 6 6 6!] Les contemplations mathématiques, artistiques, de la nature (paysages…) ne sont que des vestiges de la contemplation philosophique. Celle-ci est oeuvre de l’intelligence et se distingue profondément de la contemplation mystique, théologale, qui est “oeuvre d’amour”: on contemple dans la mesure où l’on aime Dieu!

Brève note sur la logique
La logique n’est pas une partie de la Philosophie, mais la servante de la Philosophie; une discipline - instrument de la vie de l’intelligence, qui doit respecter la diversité et la richesse des jugements (non seulement philosophiques, scientifiques, mais aussi prudentiels, affectifs, de valeur), les divers types de raisonnements et l’originalité de l’appréhension simple (jusqu’en sa saisie des notions analogiques). Elle est nécessaire en raison du conditionnement propre à la vie de notre intelligence.
Une certaine logique, issue du modèle simple et très particulier des mathématiques (où les relations entre concepts universels quantifiés jouent le rôle essentiel) prétend se substituer à la logique - “organon” de la Philosophie. Ce faisant, elle tue le jugement de valeur, les jugements affectifs et prudentiels, et réduit tout raisonnement à un mécanisme automatique (“pain pour ordinateur”); elle est légitime et efficace dans l’univers de la pensée scientifique, mais ne peut plus être instrument dans la “conquête” d’une sagesse vraie.
La logique est premièrement un art réglant l’activité de l’intelligence; secondairement une science (car elle ne considère pas les causes de ce qui est). Son objet propre est l’être connu en tant que connu [c’est un être dit de raison]; cet objet, elle le considère au niveau de chacune des opérations-types de l’intelligence:
* Simple appréhension: l’universel (logique… dont le contenu d’intelligibilité, de détermination, est dit “universel métaphysique”), c’est-à-dire le verbe intérieur en tant que connu et “un, apte à être en plusieurs”. [L’universel logique n’est pas l’ensemble des individus auxquels il peut être attribué]. Le “tout global”, les quiddités, les notions analogiques sont des modalités particulières d’universel, appelées, respectivement, universel matériel, formel (extension et compréhension varient en sens inverse… genre, espèce,…, il s’exprime dans la définition), analogique (il ne se prête pas à la définition, ni au genre et espèce, …; sa richesse est trop grande).
* Jugement: l’attribution, qui s’exprime dans les énonciations ou propositions du langage; il faut veiller à la justesse des attributions par lesquelles les “universels” sont reliés entre eux; on distingue des propositions universelles (tout homme…), particulières (quelque homme…), singulières (cet homme…) soit affirmatives, soit négatives… etc.
* Raisonnement: l’inférence soit inductive, soit déductive (cette dernière est très développée dans la théorie du syllogisme). Une analogie: ce que le “moyen terme” est dans le syllogisme, l’interrogation l’est dans l’induction.
Une maîtrise de l’art-science logique exige un entraînement aux raisonnements philosophiques, mathématiques; aux inductions en philosophie ou en sciences expérimentales. La réduction au seul mode de pensée mathématico - informatique risque peu à peu de tuer la vie profonde de l’intelligence.


La Volonté - les ‘passions’ au niveau spirituel :

La volonté, faculté spirituelle-immatérielle, nous rend capable d’être attiré, polarisé, orienté vers tel ou tel bien: un enseignement de philosophie, une personne amie, … Son objet propre est le bien en tant que tel: donc, ce peut être un bien sensible ou non, un bien difficile à acquérir ou non; ces divers “bien” sont toujours saisis sous leur rapport de bien – ce qui attire –; c’est pourquoi, il n’y a pas lieu de distinguer deux facultés d’attraction analogues au concupiscible et à l’irascible.
Nous retrouvons en l’exercice de la volonté des opérations analogues aux passions:
* un amour volontaire, simple complaisance envers le bien qui attire… la sagesse naturelle, par exemple;
* un désir volontaire impliquant amour et non possession du bien aimé…;
* une joie spirituelle, fruit de la possession du bien aimé et désiré… joie qui épanouit la personne;
* la fuite volontaire d’un mal (refus de mentir)… la haine d’un mal (le mensonge), ce qui est un bien(!)… la tristesse envers un mal qui s’impose (tristesse d’âme… jusqu’à en mourir… la trahison d’un ami);
* un espoir volontaire, lorsque la volonté se porte vers un bien de conquête difficile… un désespoir (qui peut conduire au suicide)… un exercice audacieux ou craintif de la volonté… la colère en présence d’une injustice…

En exercice, ces opérations volontaires sont (presque) toujours conjointes aux passions (dont la vie sensible est le siège) en raison de l’unité de vie du vivant-homme.

La volonté attirée, mue par le bien - Fin (ce pourquoi elle s’exerce) doit considérer les moyens (biens intermédiaires ordonnés à l’acquisition du bien - Fin) de l’atteindre, d’où le choix libre, l’usage… - voir les actes humains en Philosophie morale - … la liberté, la responsabilité de la personne…( cf Philosophie morale). Tous ses actes impliquent une coopération étroite entre l’intelligence et la volonté; entre l’intelligence égocentrique et la volonté impliquant une attitude de réceptivité - disponibilité (“se laisser prendre”) et une attitude active (“se porter vers”): on pourrait dire que la volonté se meut circulairement (volonté pré-conceptuelle et post-conceptuelle, éclairée par la lumière de l’intelligence et donc plus active ou activée). La volonté est dominante dans l’amour d’amitié et l’intelligence est dominante dans l’acquisition d’une vraie sagesse; mais, l’acquisition d’une vraie sagesse exige beaucoup de volonté et l’amour d’amitié s’exerce mieux s’il est éclairé par la lumière de la vérité! Un juste équilibre doit exister entre intelligence et volonté. Rappelons, enfin, que, pour que la volonté soit activement mise en mouvement, il faut que le bien - fin soit connu (au moins confusément)… l’intelligence est condition sine qua non de la volonté.

“ L’acmé” (le sommet) dans l’exercice de la volonté:
L’amour d’amitié (l’amour entre amis, entre frères et soeurs, entre parents et enfants,…) est l’activité parfaite, ultime de la volonté; l’activité de l’intelligence y est bien évidemment présente, d’une manière intime, discrète, mais réelle… la lumière qu’apporte l’intelligence permet d’aller plus loin dans l’amour! Dans la contemplation, activité parfaite et ultime de l’intelligence, la part de la volonté est essentielle, même si elle est plus discrète. Ce que la contemplation est dans la vie de l’intelligence, l’amour d’amitié l’est dans l’exercice de la volonté.
De même que la contemplation assume les opérations - types de l’intelligence en les dépassant, l’amour d’amitié assume en les dépassant les grands moments de l’activité volontaire:
l’amour - complaisance toujours présent; le désir volontaire, car la personne aimée (ouverte à l’infini en son esprit) ne peut jamais être pleinement “possédée”; la joie volontaire, car il existe avec la personne aimée un lien d’unité, de coopération…

Par et en l’amour d’amitié sont assumés le choix libre – “Dis-moi qui sont tes amis et je te dirai qui tu es!” – et l’usage; l’amitié réaliste implique coopération, fécondité. Cet amour d’amitié implique aussi la fidélité au choix et la ferveur (car l’amour demande cette croissance et cet approfondissement permanents).
En l’exercice de l’amour d’amitié, la volonté doit exercer une régence, un gouvernement “éclairé” sur les passions; le coeur humain, coeur de chair, doit rester un coeur sensible… ne pas se transformer en un coeur de pierre (pour se protéger, par faiblesse, de l’emprise des passions)…, mais aussi un coeur “dominé” par l’amour volontaire (donc non noyé dans les passions). Une telle qualité d’amour, toujours en croissance, perfectible, exige-implique la lumière de l’intelligence.
[Une analogie existe entre l’amour, le désir (le cheminement), la joie (l’achèvement) et, respectivement, l’appréhension simple, le raisonnement, le jugement.]


DE L’AME : PRINCIPE REEL - SPIRITUEL - IMMATERIEL DE VIE

Un exemple d’induction en science: le rayonnement lumineux.
Physique classique: Partant des expériences de réflexion, d’interférence, de la lumière, l’intelligence sous la ‘force’ de l’interrogation induit le concept d’onde ; partant des expériences de réflexion , d’effet photoélectrique, l’intelligence induit le concept de corpuscule. Ces concepts saisis trop imaginativement vont s’opposer et devoir être dépassés!
Physique moderne : Les expériences de la nature ondulatoire de l’électron (diffraction des électrons) et de la nature corpusculaire du rayonnement (photons) vont conduire l’intelligence à élaborer un concept d’onde-corpuscule harmonisant ces deux aspects ... concept de grande efficacité.

Ce type d’induction s’achève dans la ligne de l’appréhension [concept d’onde - corpuscule]; mais, il est aussi des inductions s’achevant dans la ligne du jugement: ainsi les multiples expériences sur la chute des corps permettront d’induire la loi de Newton (“les corps s’attirent proportionnellement…”). Deux autres exemples très célèbres d’induction: le concept de l’espace - temps et la relation , devenue classique : E = m c2 .

Induction de l’âme:
Partant de l’expérience de notre unité de vie - ‘je suis un vivant’ - et de la richesse de nos opérations à tous niveaux, l’intelligence, sous la ‘force’ de l’interrogation, saisit, induit, qu’il existe un principe sous-jacent, non immédiatement expérimentable, ‘porteur’ des opérations et source d’unité de vie. Ce principe est appelé l’âme.
Par et en cette induction nous saisissons l’âme comme:
* un principe réel, existentiel… car l’induction est fondée sur les expériences réelles;
* un principe impliquant un dépassement - approfondissement de ce qui est expérimenté: l’âme n’est pas objet immédiat d’expérience (c’est pourquoi, elle a pu être niée…)… elle n’est “touchée” que médiatement au travers des opérations et de l’unité de vie (pour le croyant et la plupart des hommes, cela suffit à fonder la conviction qu’ils ont une âme);
* un principe ayant une plus grande richesse d’être et d’intelligibilité que ce qui est expérimenté; “par nature”, en soi, l’âme est plus riche d’être et d’intelligibilité que les opérations… pour nous, elle apparait moins “être et intelligible”, car toute notre connaissance est enracinée dans la connaissance sensible (première génétiquement… mais appelée à disparaître avec le corps, alors que l’âme demeure, puisque immatérielle);
* un principe ayant une perfection - noblesse bien supérieure à la perfection des opérations… une perfection d’une qualité autre que celle des opérations; un principe ayant une unité - simplicité plus profonde que celle du vivant… une unité - simplicité d’un autre ordre. [Simplicité et perfection varient en sens inverse dans l’univers animal et sensible: une amibe est plus simple qu’un éléphant… mais, moins parfaite; simplicité et perfection varient dans le même sens dans les “réalités de l’esprit”: le philosophe a une connaissance plus parfaite et plus simple que le spécialiste en mécanique quantique!]
Le savant (le “philosophe” ou l’homme de la rue) positiviste refuse l’induction de l’âme -- bien qu’il accepte l’induction en science -- en raison d’un a priori: il rejette l’induction d’un principe qui échappe à la connaissance sensible et donc au mesurable !

La philosophie première regardant la substance et les accidents nous permet d’affirmer que:
(1) l’âme (immatérielle et qui subsiste après la mort) est forme - détermination substantielle, immédiatement capable de recevoir son “exister” – “ens per se” –;
(2) les facultés (et puissances) sont des déterminations accidentelles, nécessaires, qui existent par et en l’exister-esse de l’âme… elles in-existent en l’âme comme des propriétés nécessaires.

Immatérialité et immortalité de l’âme

L’immatérialité des facultés spirituelles d’intelligence et de volonté permet de conclure que l’âme, principe - source des opérations, est immatérielle - spirituelle. Si l’homme demeure soumis au conditionnement spatio-temporel, au devenir physique et vital, au conditionnement “du sens” par l’intermédiaire de son corps vivant, il est capable en sa vie spirituelle de s’élever à la connaissance de l’Etre premier, Esprit pur, “Etre même subsistant”, “Acte pur et achevé”, de Le contempler en Ses attributs, d’être disponible à Son amour d’amitié, et d’aimer l’autre (personne humaine) en tant qu’il est lui aussi Image de Dieu (c’est-à-dire capable de reconnaître l’Etre premier, qu’on appelle Dieu). En sa vie spirituelle, l’homme est de “race divine”. Son âme immatérielle ne peut être issue de l’univers matériel - sensible: elle est “issue” immédiatement de l’Etre premier, qui lui donne son “exister” propre… “ens per se” (être par soi), elle ne peut être engendrée d’une personne humaine (cf philosophie première); elle n’est pas mortelle, comme les autres réalités vivantes, (végétaux, animaux, corps humain,…)… elle est immortelle, participante de la vie éternelle de l’Etre premier. Elle reçoit son “esse - exister” immédiatement de l’Etre premier, elle n’est pas “ens a se”… elle ne peut pas dire “Je suis Celui qui suis”. L’âme est dite créée par l’Etre premier… Lui seul pourrait la néantiser! [L’Etre premier se révélera à l’âme… en adhérant à cette Révélation, l’âme connaîtra qu’elle est participante de l’éternité.] Créée par l’Etre premier, elle porte en elle la “trace” de son Créateur… un “label divin”… un “instinct divin” (cf philosophie humaine morale: la conscience morale).

L’âme - les facultés-puissances - les opérations
L’âme, principe - source des opérations, n’est pas le principe propre immédiat de chacune de ces opérations; les facultés (intelligence - mémoire, volonté) et les puissances (terme réservé aux puissances des vies sensible et végétative), que nous avons induites - découvertes à partir de la diversité des opérations, sont les principes propres et immédiats, les causes efficientes, de ces opérations. L’âme est dite principe radical des opérations; principe efficient lointain exerçant sa causalité par l’intermédiaire des facultés - puissances. C’est par l’intermédiaire des facultés – en exercice – que l’âme atteint sa fin proprement humaine: connaissance acquise, contemplation, amour d’amitié,… Les facultés sont des instruments, dont l’âme se sert – et doit se servir – pour atteindre sa fin. L’âme est acte-fin pour les facultés-instruments. [N’imaginons pas de “distance” entre l’âme et ses facultés spirituelles et les opérations.]
L’âme atteint sa fin par ses opérations :
Dans le “vivant qui vit” s’exerce la diversité des facultés - puissances, des opérations, dans leur harmonie, mais aussi leur contrariété (passions mal ordonnées, etc.), d’où la complexité du “psychisme humain”; dans le “vivant qui vit” existe une unité radicale, fondamentale de vie (il est tel vivant, un vivant), mais aussi une “unité achevée”, celle qui est fruit de l’exercice de la contemplation et de l’amour d’amitié; cette unité dans la perfection est source de joie et de paix profondes, authentiques [Ordre naturel: le “mystère de la souffrance”, que le philosophe expérimente, demeure peu compréhensible pour le philosophe]. L’âme, principe unique de vie, assume toutes les fonctions propres aux vies spirituelle, animale, végétative, d’où une continuité dans les “degrés de vie”; seul le degré de vie spirituelle implique une liberté - autonomie d’exercice, de détermination (selon la cause formelle) et selon la fin; d’où la perfection, l’éminence, du vivant - homme.

“L’homme descend-t-il du singe, d’un anthropoïde?”: il n’existe pas de continuité entre l’homme - vivant, dont l’âme est immédiatement créée par l’Etre premier, qui fait de lui l’Image de Dieu, et les vivants du règne animal, même si selon le conditionnement végétativo-sensible, selon le corps, une certaine continuité puisse apparaître… (animaux - ébauches et homme - chef d’oeuvre, comme souvent dans la création artistique?… ou: infusion par l’Etre premier d’une âme immatérielle - immortelle douée des facultés d’intelligence et de volonté en un corps animal suffisamment évolué pour être apte à la recevoir?… le philosophe ne peut conclure).

L’HOMME-VIVANT: CORPS ET AME (la philosophie première est impliquée)
Le corps humain est un corps vivant par l’âme, source d’unité et de vie; il reçoit sa détermination - forme de corps humain par l’âme - forme substantielle et l’union âme - corps est une union dite substantielle. L’âme immatérielle n’est pas localisable: elle est dans tout le corps ou mieux, elle contient le corps (étant plus parfaite que lui) – “L’âme est dans le corps comme dans le contenant, non comme contenue par lui” (St Thomas d’Aquin, S.T., Ia, Qu.52, A.1) –; l’âme, ouverte à l’infini par ses facultés spirituelles, est comme “limitée”, “contractée” en ce corps auquel elle est unie [Platon: le corps comme une prison pour l’âme…]… et cependant c’est par la médiation des sensations, voire des passions, qu’elle pourra atteindre sa fin ultime (contemplation de la Vérité, amour d’amitié)! Il existe une analogie entre les relations forme - matière (cf la philosophie de la nature), âme - corps et acte - puissance (cf la philosophie première).
Par l’âme immatérielle, le vivant - homme reçoit son “esse - exister”, et donc, c’est par l’âme que le corps vivant existe, en étant participant de l’exister de l’âme… c’est là un rapport “acte-esse - puissance”; un rapport “acte - puissance” existe aussi, si l’on considère l’âme - source du devenir vital (devenir à tout niveau de vie) et le corps en lequel ce devenir s’exerce et qui est médiateur de ce devenir; selon la cause finale, nous avons aussi un rapport “acte - puissance”: le corps vivant par l’âme est pour l’âme, pour lui permettre d’atteindre sa fin… nous sommes des esprits incarnés! L’âme est “l’acte” du corps; elle est aussi “la forme” du corps:Etant donné que l’âme est l’acte propre du corps, c’est dans ce corps que l’âme a été produite.” (St Thomas d’Aquin, S.T., Ia, Qu.90, A.4). Elle est présente (invisible, non palpable,…) dans tout le corps et diversement présente dans les parties du corps: couper la tête n’a pas le même effet que couper la main!
N’opposons pas le corps et l’âme (tendance platonicienne, stoïcienne, ‘faussement spirituelle’): ”L’union de l’âme et de la chair recevant l’Esprit de Dieu constitue l’homme spirituel.”(St.Irénée, A.H. V.8.2). “Voici quels sont les hommes que l’Apôtre appelle spirituels (cf. 1 Co.2.15; 3.1) : ceux qui sont spirituels grâce à la participation à l’Esprit et non pas grâce à la privation et à l’élimination de la chair.”(id.V.6.1).

Quand l’âme a-t-elle été créée dans le corps? L’acte créateur, métaphysique, étant au-delà du temps, nous ne pouvons le préciser. Seule certitude (fondée biologiquement), quelques quarante jours après la conception, nous sommes en présence d’un vivant - humain; le Créateur a agi!… Condamnation sans équivoque de l’avortement qui non seulement est assassinat d’un être innocent et totalement dépendant, mais est un geste de révolte contre l’Etre premier Créateur: “Et lorsque cette menace [l’avortement] est devenue réalité, ces êtres humains sans défense tentèrent de se défendre. La caméra a pu enregistrer cette défense désespérée face à l’agression d’un petit enfant avant sa naissance, dans le sein de sa mère. Il est difficile d’imaginer ce drame horrible avec toute son éloquence morale humaine.” (Jean-Paul II, 4.06.91, en Pologne).
Citons St.Thomas d’Aquin : “L’embryon humain n’a d’abord qu’une âme sensitive. Celle-ci disparaît et une âme plus parfaite lui succède, qui est à la fois sensitive et intellectuelle.”(Qu.76,a.3,resp.3) -- “Il est nécessaire de dire que tant dans l’homme que dans les animaux, quand une forme plus parfaite est produite, la précédente disparaît ... On doit donc dire que l’âme intellectuelle est créée par Dieu au terme de la génération humaine et qu’elle est à la fois sensitive et nutritive, les formes précédentes ayant cessés d’exister.” (Qu.118,a.2,resp.2). Et le Catéchisme du ‘Concile de Trente’ affirme : “Selon les lois ordinaires de la Nature, l’âme raisonnable ne vient s’unir au corps qu’après un temps déterminé (exception faite pour Jésus en raison de la Conception miraculeuse ... pour Marie en raison de l’I.C. ? )”.
Jean-Paul II de conclure : “Même les discussions de caractère scientifique et philosophique, à propos du moment précis de l’infusion de l’âme spirituelle, n’ont jamais comporté la moindre hésitation quant à la condamnation morale de l’avortemnent.” (E.V.,61).

A la mort – c’est un fait et non un objet d’expérience! – l’âme se sépare du corps… celui-ci devient un corps non vivant: un cadavre. L’âme, créée dans le corps et ayant toujours vécu unie à celui-ci, ne quitte pas aisément le corps; il semble que l’on puisse distinguer la mort apparente – l’âme se retire “au centre du corps” et n’assume plus les fonctions vitales liées au corps (vivant cliniquement mort) – et la mort réelle, où la séparation est effective et définitive. Entre ces deux moments – séparés par une durée variable de quelques heures (vieillard “au bout du rouleau”) à deux jours peut-être (personne jeune fauchée “en pleine forme”… voir des cas de réanimation) – les “moeurs” de l’âme doivent subir un profond bouleversement… tout le conditionnement sensible de la vie de l’esprit est au point mort… L’âme - psyché, c’est-à-dire l’âme en tant qu’elle anime le corps, ne s’exerce plus; les seules “fonctions” qui demeurent sont celles de l’âme - “capable de Dieu” et de l’âme - “pneuma” (esprit: en tant qu’elle vit une communion avec “la divinité”).
Corps vivant - corps physique
Tout en demeurant soumis à l’univers physique (et à ses lois), le corps vivant manifeste une autonomie propre:
* le vivant vit d’une durée intérieure propre rythmée par ses opérations vitales (durée et âge physiologique… “on a l’âge de ses artères”…; durée et âge mental, psychique: tel vieillard est jeune d’esprit, vif et dynamique… tel jeune est psychiquement vieux; durée et âge spirituel (fruit de la contemplation)…);
* si le corps vivant demeure partie de l’univers physique, il constitue un certain “tout” capable de transformer le lieu physique en un milieu vital;
* si le vivant demeure conditionné par l’univers physique quant à son devenir physique, il connaît une certaine autonomie de devenir vital: il se meut en ses opérations vitales (particulièrement spirituelles); il a une autonomie de déplacement physique (locomotion vitale);
* il est capable d’engendrer un autre vivant (sans être détruit lui-même): génération vitale – il n’existe pas de génération en physique, mais seulement des transformations de telle modalité d’énergie (matière - rayonnement) en telle autre modalité d’énergie.

Le corps physique de l’homme est une des trois modalités parfaites de corps physique: il est apte à être uni à une âme immatérielle… mais, après la mort, il disparaît (retour à la poussière)! Les deux autres modalités sont le soleil (les étoiles), source d’énergie, de lumière, nécessaire à l’éclosion de la vie et à son maintien, et la Terre, milieu vital privilégié (avec son hydrosphère et son atmosphère).
L’originalité propre au corps vivant dans l’univers physique est signe de l’autonomie profonde et réelle de l’âme relativement à cet univers. La vie de l’esprit, qui est la vie propre à l’âme, est en elle-même au-delà du devenir et du spatiotemporel; elle est en elle-même indépendante de tout organe physique; elle connaît une intériorité et une capacité unique de communication avec l’autre.

CONNAISSANCE PHILOSOPHIQUE ET SCIENTIFIQUE DU VIVANT
La connaissance philosophique se noue avec l’induction de l’âme immatérielle - immortelle de l’homme. La connaissance scientifique se développe en dépendance des techniques expérimentales qui sont empruntées à la physique et se situe dans une perspective qui se veut a priori positiviste. Elle n’appréhende des réalités expérimentées que ce qui est saisissable par ces techniques – il n’y a pas de technique neutre – et donc, elle opère, de fait, une réduction du vivant à un corps physico-chimique.… d’où, si cette réduction se veut exhaustive et exclusive, une terrible mutilation du vivant
Par ailleurs, la démarche scientifique part de l’étude des vivants les plus simples, les moins parfaits (“une amibe”), pour saisir de mieux en mieux la structure organique - biologique du vivant le plus parfait. La démarche philosophique part du vivant le plus parfait que nous expérimentons, l’homme, pour en saisir l’originalité la plus profonde; l’expérience philosophique est unique par sa qualité - richesse - perfection - intériorité: c’est l’expérience profonde et réelle que tout vivant - homme peut avoir de lui-même comme être vivant.
Les autres vivants n’intéressent pas immédiatement le philosophe. Dans un raisonnement a posteriori, constatant des faits relevant de la vie sensible et végétative (un chien, un chat, un éléphant,…) ou de la vie exclusivement végétative (un chêne, une fleur,…), il pourra conclure à l’existence d’une âme sensitive (en ce chien,…) ou d’une âme exclusivement végétative (en ce chêne,…) en ces vivants.
Les problèmes limites (Ce “complexe de molécules organiques” est-il un vivant ou non? Y a-t-il une frontière nette entre l’univers physique et l’être vivant?) n’intéressent pas le philosophe. La vie pourrait-elle “surgir” de la matière? Le capital d’énergie de l’univers physique pourrait-il, dans un conditionnement favorable, permettre l’éclosion et l’organisation de vivants végétatifs?… C’est au scientifique à éclairer ces problèmes.
En créant l’Univers, l’Etre premier, dans Sa sagesse, lui a communiqué une capacité d’être un milieu vital (ainsi sur Terre), une capacité de recevoir et de transmettre cette énergie vitale qui vient de l’Etre premier comme de Sa source première, qui se transmet de vivant à vivant – nous constatons que: “à l’origine de tout vivant, complet et indiscutable, il y a un vivant” – qui se module, se différencie, s’adapte, suivant le conditionnement physico-chimique et biophysique… d’où la diversité étonnante des vivants et les possibilités “d’évolution, de progression ou de régression”.


Addenda I: Pour les croyants

L’Eglise - le Magistère et la philosophie:

“L’Eglise catholique a toujours unanimement tenu et tient encore qu’il existe deux ordres de connaissance, distincts non seulement par leur principe, mais aussi par leur objet. Par leur principe, puisque dans l’un, c’est l’intelligence naturelle, dans l’autre, la foi divine, qui nous fait connaître. Par leur objet, parce que, outre les vérités que l’intelligence naturelle peut atteindre, nous sont proposés à croire les mystères cachés en Dieu, qui ne peuvent être connus s’ils ne sont révélés d’en haut. …Bien que la foi soit au-dessus de l’intelligence, il ne peut jamais y avoir de vrai désaccord entre elles. Puisque le même Dieu qui révèle les mystères et qui communique la foi a fait descendre dans l’esprit humain la lumière de l’intelligence, Dieu ne pourrait se nier lui-même ni le vrai contredire jamais le vrai.” (Vatican I)
“ L’intelligence, toutefois, n’arrivera à s’exercer ainsi, avec justesse et sûreté, que si elle a été formée comme il convient; c’est-à-dire si elle a été pénétrée de cette philosophie saine… que de grands esprits [Aristote, Thomas d’Aquin, (M.-D. Philippe)] avaient peu à peu découvert et définie. Cette philosophie reçue et communément admise dans l’Eglise défend l’authentique et exacte valeur de la connaissance humaine, les principes inébranlables de la philosophie première, enfin la capacité d’arriver à une vérité certaine et immuable… Il faut extrêmement déplorer que cette philosophie, reçue et reconnue dans l’Eglise, soit aujourd’hui méprisée de certains [non seulement par les gens du monde, mais aussi par beaucoup d’ecclésiastiques et de théologiens]… Pendant qu’ils méprisent cette philosophie, il font l’éloge des philosophies anciennes ou modernes, d’Orient ou d’Occident, en sorte qu’ils semblent insinuer dans les esprits que n’importe quelle philosophie, n’importe quelle façon de penser peut, moyennant, s’il le faut, des corrections et des compléments, s’accorder avec le dogme catholique. Ce qui est absolument faux…” (Pie XII, Enc. Humani Generis, 12.08.1950).
“ Bien que la raison humaine …puisse vraiment par ses forces et sa lumière naturelles arriver à une connaissance vraie et certaine d’un Dieu personnel, protégeant et gouvernant le monde par Sa Providence, ainsi que d’une loi naturelle mise par le Créateur dans nos âmes – “Ce qu’on peut connaître de Dieu est pour eux (les païens, les “gentils”) manifeste: Dieu en effet le leur a manifesté. Ce qu’il y a d’invisible depuis la création du monde se laisse voir à l’intelligence à travers Ses oeuvres, Son éternelle puissance et Sa divinité.” (Rm.1.19-20) – il y a cependant bien des obstacles empêchant cette même intelligence d’user efficacement et avec fruit de son pouvoir naturel, car les vérités qui concernent Dieu et les hommes dépassent absolument l’ordre des choses sensibles, et lorsqu’elles doivent se traduire en action et informer la vie, elles demandent qu’on se donne et qu’on renonce. L’esprit humain, pour acquérir de semblables vérités, souffre difficulté de la part des sens et de l’imagination, ainsi que des mauvais désirs nés du péché originel. De là vient qu’en de telles matières les hommes se persuadent facilement de la fausseté ou du moins de l’incertitude des choses dont ils ne voudraient pas qu’elles soient vraies.” (Catéchisme de l’Eglise catholique, 37)
Révélations particulières:
“ Et, qu’est-ce que la philosophie quand elle est vraie et honnête, sinon une élévation de l’intelligence humaine vers la Sagesse et la Puissance infinies, c’est-à-dire vers Dieu?” (Valtorta, II: Jésus parle aux romaines)
“ De l’esprit qui raisonne du philosophe, du vrai grand philosophe, à l’esprit du vrai croyant qui adore le vrai Dieu, il n’y a qu’un pas.” (Valtorta, VI)

…La sagesse du monde condamnée par S. Paul (1 Co.1.19) est la pseudo-sagesse compromise avec le prince de ce monde… La sagesse véritable (philosophia perennis) a toujours eu l’appui du Magistère …et de S. Paul (Rm.1.20)!

L’âme et ses facultés spirituelles:
Jésus à Ste Catherine de Sienne (1347-1380, Docteur de l’Eglise):
“ Votre âme, Je l’ai créée à mon image et ressemblance en lui donnant la mémoire, l’intelligence et la volonté.”
“ Le patrimoine que Je leur ai donné: la mémoire pour qu’ils puissent se souvenir de Mes bienfaits; l’intelligence pour qu’ils puissent voir et connaître la Vérité; la volonté pour qu’ils puissent M’aimer, Moi, la vérité éternelle que leur intelligence a connu.”
Jésus à Sintica (l’esclave grecque) dans Valtorta, IV:
“ Cette chose admirable qu’est l’âme, chose créée par Dieu pour donner à l’homme Son image et Sa ressemblance comme signe indiscutable de Sa paternité très sainte, résulte des qualités propres de Celui qui l’a créée. Elle est donc intelligente, spirituelle, libre, immortelle, comme le Père qui l’a créée. Elle sort parfaite de la Pensée divine et, à l’instant de sa création, elle est semblable pour un millième d’instant, à celle du premier homme: une perfection qui comprend la Vérité par suite d’un don gratuitement donné. Un millième d’instant. Puis, une fois formée, elle est blessée par la faute d’origine. Pour te faire mieux comprendre, Je dirais qu’elle est comme si Dieu portait l’âme qu’Il crée et que l’être créé, en naissant, soit blessé par un signe ineffaçable.”
[Ainsi à la mort, l’âme se voit, voit toute sa vie ici-bas dans la lumière de Dieu, pour un millième d’instant, et se juge elle-même.]
“ Si vous ôtez de la religion le “dogme” de l’immortalité de l’âme, vous la ruinez de fond en comble… cet “article de foi” n’existe que dans la Tradition orale.” (Rabbin P.Drach: de l’Harmonie entre l’Eglise et la Synagogue)
La création d’une âme est une merveille plus grande que la création de l’Univers physique tout entier!

L’homme: origine et premier homme:
Concernant l’origine de l’homme, il semble que l’on puisse affirmer la création simultanée de l’âme et du corps (pour le premier homme): “YHWH - Dieu façonna l’homme, – poussière détachée du sol –, fit pénétrer dans ses narines un souffle de vie, et l’homme devint un être vivant.” (Gn.2.7, trad. Wogué). Par ailleurs: “On ne met pas de vin nouveau dans des outres vieilles (…une âme immortelle dans un corps d’hominidés…)… on met du vin nouveau dans des outres neuves…” (Mt.9.17).
Pour le croyant, il y eût un premier homme, père et source de toute l’humanité -- à l’image de la “Monarchie” du Père éternel -- : “Les fidèles ne peuvent embrasser une doctrine dont les tenants soutiennent, ou bien qu’il y a eu sur Terre après Adam de vrais hommes qui ne descendent pas de lui par génération naturelle comme du premier père de tous, ou bien qu’Adam désigne l’ensemble de ces multiples premiers pères.” (Pie XII, Enc. Humani Generis, 1950).

Origine des animaux et des végétaux:
Il semble que l’on puisse affirmer que les animaux naissent dans une diversité d’espèces par une Volonté expresse du Créateur (Genèse: Jour 5 et 6); espèces qui sont capables d’évolution, de transformation, d’adaptation (qui ne sont pas des réalités figées). Les “rampants sur Terre” (Jour 6) surgissent de la Terre (le verbe “créer” n’est pas employé)… comme si la Terre - mère avait reçu, par un vouloir express de la Divinité, le pouvoir d’être source des vivants sur le sol. Originalité des poissons - oiseaux – qui n’occupent pas le même “terrain” que l’homme – pour lesquels est utilisé le verbe “créer”.
Quant aux végétaux, ils surgissent aussi du sol (Jour 3) par une volonté express du Créateur.

La signature trinitaire en l’homme : Père Fils Esprit (duel)
Vie végétative (fondamentale); vie sensible (Fils incarné); vie spirituelle (naturelle et surnaturelle) // Reproduction (le Père engendre le Fils); nutrition (le Fils se donne en nourriture); croissance (physiologique et spirituelle) // Sensations externes; sensations internes; passions (concupiscible et irascible) // Mémoire; intelligence; volonté (anté- et con- séquente) // Ame-psyché; âme ‘capax Dei’ ; âme-esprit (naturel et pneumatique).

Addenda II: Anthropologie

Etapes du développement de la vie de l’homme:
On peut distinguer quelques grandes étapes – très conditionnées par le développement de la vie végétative – dans la vie de l’homme:
* de l’embryon à la naissance: rôle complémentaire du père et de la mère dans la fécondation, rôle important du milieu vital (sein maternel), sans oublier le Geste du Créateur créant l’âme dans le corps - embryon.
* de la naissance à l’adolescence (le vivant - homme est devenu capable d’engendrer son semblable): première et fondamentale éducation dans le milieu familial, éclosions et enracinements des vies sensible et spirituelle (les “pourquoi”… les interrogations à ne jamais décourager);apprentissage de la vie communautaire (l’école… le métier à venir).
* l’homme adulte: celui en lequel la vie spirituelle exerce – ou devrait exercer – sa régence sur toute l’activité humaine… homme libre (intérieurement… cf philosophie morale) capable d’être responsable de lui- même et de ses actions.
* de la vieillesse à la mort: déclin des vies végétative et sensible… la vie spirituelle, tout en étant très conditionnée par le corps vivant, par l’homme sensible, peut maintenir une grande vitalité.

Les fruits propres de l’activité humaine:
Fruits immanents:
* la parole, le langage… diverses modalités (utilitaire, scientifique, amicale,…);
* le rire, le sourire, les larmes: le rire plus lié à la connaissance (souvent moqueur… orgueil); le sourire plus affectif (note de discrétion… humilité… tendresse…); les larmes liées à l’affectivité;
* les gestes: de commandement ou d’obéissance, religieux (d’adoration,…), artisanaux ou artistiques, affectifs (baisers, caresses,…).
Toute véritable éducation doit veiller à l’équilibre du geste et de la parole… tout véritable amour aussi.
Les oeuvres réalisées:
Ecritures, outils, vêtements, habitats; oeuvres techniques, artisanales ou artistiques; …la ville, le village, le complexe industriel,….

Divers types d’hommes et leurs “situations - limites” (mise en échec):
* Le philosophe, le scientifique… conquête de la vérité… échec: l’erreur!
* “L’homo faber”… l’oeuvre à réaliser (technique, artistique,…)… échec: défaut technique, oeuvre rejetée par le public,… [Le scientifique peut être aussi homo faber.]
* L’homme politique… bien commun: justice, concorde… échec: mis en échec par le peuple, les partis, les “sociétés fermées”; caricature: l’homme avide de pouvoir, d’honneur (le moment est toujours favorable pour servir son propre intérêt… mensonge, trahison, irresponsabilité…)...
Trouve-t-on aujourd’hui encore des vrais hommes politiques?
* L’homme du système banco-économico-industriel… supprimer la misère, assurer le minimum vital à tous les hommes… échec: le système enrichit les plus riches… “Mystique” mensongère et perverse de la croissance illimité… Primat de l’économique sur l’humain…
* L’homme des lois… juriste, avocat,… échec: l’erreur judiciaire…
* L’homme “magnanime”… les misères des hommes… médecin (à la fois scientifique, homo faber et magnanime… échec: n’être qu’un ingénieur du corps humain)… hommes des oeuvres charitables… hommes soucieux de l’environnement (milieu vital… échec: les pollutions, le refus d’y être attentif)…
* L’homme dans la famille… époux - épouse (échec: divorce)… père - mère et enfants (échec: les divisions)… échec: la mort d’un conjoint, d’un enfant.
* L’homme - ami… les liens d’amitié (plus personnels et plus profonds que la simple concorde)… échec: la trahison.
* L’homme religieux… échec: rupture avec Dieu, apostasie…

Beaucoup de “mixtes” entre ces types d’hommes… complexité et grande diversité… les mises en échec peuvent être sources de replis sur soi, de révoltes, de troubles psychiques… Assumer ces échecs en relativisant la situation, en faisant preuve d’humilité et de pauvreté d’esprit et en visant un bien plus authentiquement humain!