L’activité propre à l’homme
est celle d’un vivant qui se meut dans ses opérations
spirituelles. “Se”: c’est pourquoi:
* Cette activité implique une maîtrise, un “dominium”,
que la personne humaine exerce sur son devenir. Cette activité se
distingue de l’activité - devenir propre aux
réalités physiques, qui sont soumises aux lois
physiques que notre intelligence découvre peu à peu;
* Cette activité répugne à la violence,
qui impose son action de l’extérieur… toute
activité vitale répugne (proportionnellement) à la
violence; il faut noter que la violence peut s’imposer
soit brutalement – rééducation marxiste
en clinique psychiatrique (par exemple) – soit sournoisement
par les propagandes, les médias de toutes sortes au
service d’une idéologie, d’un pouvoir
caché… plus subtile, cette forme de violence
n’en est pas moins dangereuse.
L’activité propre à l’homme est
celle d’un vivant qui se meut dans ses
opérations
spirituelles: elle est activité de l’intelligence – donc,
lucidement consciente – et de la volonté – donc,
orienté vers, finalisée… nous exerçons
notre volonté “en vue de”, “pour
telle fin à atteindre”. Autolucide
- consciente et orienté vers sont les qualités manifestant
la maîtrise que nos facultés spirituelles exercent
(ou peuvent exercer) sur leur devenir, sur leur activité propre; “peuvent
exercer”: car il est rare que cette maîtrise
s’exerce avec toute la perfection qui lui est due…
En fonction de leur finalité, nous pouvons distinguer
diverses activités typiques:
Activité morale: l’agir humain est orienté vers
une fin immanente à la personne: recherche, conquête
d’un bonheur vrai, intérieur, personnel, donnant à l’Image-de-Dieu
son épanouissement ultime, plénier… sagesse
- contemplation, amour d’amitié.
Activité politique: l’agir humain est orienté vers
l’acquisition, la réalisation du Bien commun
propre à la cité - communauté des hommes… justice,
concorde entre citoyens, paix entre nations, miséricorde.
Activité “du faire”: l’agir humain
est orienté, ordonné à la réalisation
d’une oeuvre artisanale, technique, artistique.
L’activité humaine est souvent une activité mixte;
ainsi l’homme politique peut faire appel dans son activité propre à ses
relations amicales et à ses dons d’orateur.
Seules la contemplation et parfois la création artistique
impliquent une grande autonomie d’exercice, et représentent
des modalités très pures d’activité humaine.
L’homme politique ou l’artiste sont hommes et
ne peuvent ignorer la dimension morale de la personne; implicitement
et réellement présente dans leur activité,
cette dimension morale assure, garantit, la qualité humaine – c’est-à-dire
respectant la personne Image-de-Dieu – de leur fin
spécifique. Si l’activité politique se
veut absolue et exclusive, elle défigure la personne
en la réduisant à l’individu partie du
Tout qu’est l’Etat (…sagesse, contemplation,
amour d’amitié disparaissent) et elle tue l’inspiration
artistique (…l’artiste doit exécuter conformément
aux directives de l’Etat); voir les méfaits
de tout régime totalitaire marxiste ou non. Si l’activité artistique, “du
faire”, veut être la norme de toute activité humaine,
elle conduit à juger des qualités morales de
la personne aux seuls résultats visibles et tangibles,
et elle dénature le véritable bien commun en
ne saisissant que les réalisations artistico-techniques,
comme signes de la qualité de l’Etat, du degré de
civilisation!
L’étude des activités - types va être
l’objet, respectivement, de la philosophie humaine
morale, de la philosophie “politique” (disons:
de la communauté) et de la philosophie du faire, de
l’art (au sens le plus général). La philosophie
morale est le second pilier de la philosophie; le “pilier
- source” est la philosophie du vivant sans laquelle
la morale ne peut être sainement comprise et éclairée.
La philosophie première (métaphysique) est
le pilier ultime, source de sagesse et de contemplation.
PHILOSOPHIE HUMAINE MORALE
Tous les hommes désirent être heureux, recherchent
leur bonheur… c’est même un signe de maladie,
de déséquilibre, que de ne pas rechercher son
bien. En quoi consiste ce bonheur? Pour les uns, il consiste
dans les satisfactions de la chair, des sens; pour d’autres,
dans la vie “imaginative” ou la création
artistique - artisanale; pour d’autres dans la maîtrise
parfaite de soi (voir les stoïciens); pour d’autres
dans la saisie de la vérité ou dans la conquête
des espaces (océans, déserts, montagnes); pour
d’autres…
La philosophie du vivant nous enseigne
que l’homme
atteint sa fin par l’exercice de ses opérations;
donc, le bonheur de l’homme – la fin désirée
conquise – se réalise dans l’exercice,
dans l’épanouissement de son activité vitale… il
y a autant de bonheurs, de biens, qu’il y a de modalités
d’activité vitale… aucun de ces biens
n’est exclusif. Mais, cette diversité est ordonnée, “hiérarchisée”,
en fonction même de la structure profonde du vivant
- homme; volonté et intelligence doivent exercer leur
gouvernement sur toutes les activités végétativo-sensibles – le
boire et le manger ou l’activité sexuelle reçoivent
leur “label spirituel” dans le repas amical ou
la procréation donnant naissance à de nouvelles “Images-de-Dieu” – et
apprendre à se gouverner elles-mêmes… ce
qui est le plus difficile! Si l’intelligence est mal éclairée
et si la volonté est séduite par des pseudo-biens,
la personne morale est défigurée, le chaos
s’installe dans la diversité des biens relatifs “laissés à eux-mêmes”… le
poids des activités végétatives – qui
sont génétiquement premières – est
très grand, très lourd.
Nécessité d’une pédagogie, d’une éducation
pour permettre l’éclosion, la croissance et
l’épanouissement de la personne morale… hélas,
toute éducation vraie est mise sous le boisseau tant à l’école
que dans la famille… trop souvent l’adolescent
ne s’épanouit plus en un adulte vrai, responsable…
La philosophie morale implique l’étude:
* des actes humains… intentions, choix, décisions… analyse
de la manière dont intelligence et volonté cheminent “la
main dans la main”;
* de la responsabilité (morale)… dimension la
plus profonde de la personne… liberté et conscience
morale;
* des vertus… la vie spirituelle exerce sa maîtrise
sur le devenir humain;
* de l’amour d’amitié et de la
contemplation… bonheurs
- biens ultimes, achevés de la personne humaine.
LES ACTES HUMAINS
L’agir humain, moral, implique conscience, lucidité,
et orientation vers une fin aimée, désirée:
acquisition d’une vraie sagesse naturelle, formation
d’architecte et exercice de ce métier, mariage
et vie familiale, etc. Cette fin
exerce son influx, son attraction sur le déroulement, le devenir de l’agir moral;
elle est le moteur, l’énergie - source de ce
devenir, permettant de passer des intentions aux réalisations,
et donnant son dynamisme à l’agir humain… dynamisme
qui se manifestera lorsque des obstacles, des difficultés,
se présenteront sur le chemin de la “conquête
de la fin aimée”. Les fortes personnalités,
les “grands hommes” – philosophes, conquérants
des océans ou des montagnes, chercheurs et découvreurs
scientifiques, hommes politiques ou artistes… jusqu’aux
père et mère de famille luttant pour le bien
de la famille, des enfants – manifestent cela avec évidence.
Le bien - fin exerce sa causalité en attirant à lui,
en proposant son attrait - attraction à nos facultés
spirituelles d’intelligence et de volonté; maîtresses
de leur devenir, nos facultés répondent librement à cet
attrait… d’où l’engagement, la responsabilité (morale)
de la personne.
En son exercice, la cause finale
-- cause des causes -- enveloppe l’exercice des autres causes… elle s’en
sert “politiquement” -- leur laissant une autonomie
propre -- et non tyranniquement.
Notre intelligence et notre volonté sont
aptes à recevoir
l’influx de la Fin, à “se mettre à son écoute”.
Diversité des actes humains :
Les actes humains:
moments essentiels dans le devenir de l’agir humain:
* Nous sommes en présence d’un entrelacs d’actes
intellectuels et d’actes volontaires… intelligence
et volonté coopèrent étroitement (il
n’y a pas de “distance” entre elles!)… la
décision, acte intellectuel, est tout pénétré de
volontaire; le choix, acte volontaire, est tout pénétré d’intelligence.
* Le désir (la fin est aimée et non possédée)
enveloppe ce devenir de l’agir moral… nos désirs
marquent profondément notre personnalité; si
de vrais, de grands désirs n’enveloppent plus
notre agir humain, notre personnalité se meurt… la
lassitude, la démission (morale), le désespoir
s’installent… la porte peut être ouverte
aux paradis artificiels, à la violence.
Ami, n’arrête jamais tes désirs, tes profonds
désirs d’homme - Image de Dieu!
Le déroulement de l’agir moral n’a pas
toujours cet état de perfection; certaines étapes
demeurent dans la pénombre, voire sont escamotées
(le conseil, par exemple); pratiquement, ce n’est que
par “touche et retouche” successives, que l’acte
moral atteindra, avec le temps, son développement
parfait, achevé… nous
sommes des esprits incarnés
très conditionnés par les degrés de
vie sensible et végétative, et par notre milieu
de vie familial, social ... l’éducation reçue
dans le milieu familial, avant même l’âge
scolaire, peut être très déterminante
pour le développement de notre personnalité.
Un exemple: l’attrait réel, mais confus, que
nous ressentons pour la “vérité” – qu’est-ce
que la vérité? – peut nous orienter,
dans un premier temps, vers l’univers des connaissances
scientifiques, mathématiques; une connaissance un
peu sérieuse de ces vérités manifeste
leurs limites; notre amour de la vérité va
se renforcer – nous ne cessons pas le “combat”,
vu que notre désir est fort – et nous orienter
vers la conquête d’une sagesse dite philosophique;
notre intention s’oriente avec force vers cette sagesse
et les moyens de l’acquérir… une phase
d’enquête, de conseil, se présente: faut-il
suivre des cours universitaires ou se mettre au désert
pour se plonger dans tel grand philosophe? …une décision
doit être prise: se mettre à l’étude
d’Aristote, le maître de ceux qui savent, sous
la houlette d’un maître… enfin, la joie
ressentie, au fur et à mesure de nos progrès,
amplifie notre amour de la vérité: signe que
nous avons “misé” juste. L’adage
classique nous dit: “ce qui
est premier dans l’intention – amour
- désir de la vérité,… conquête
des “8000” – est
dernier dans l’exécution – contemplation… être
comme Messner –” …la phase de labeur, travail,
l’usage est déterminante: lire et relire, s’interroger,
essayer de comprendre… entraînement technique
intensif (glace, neige, escalade,
altitude,…).
Analysons les actes humains en particulier:
Amour (volontaire) et intention
L’amour initial, source, est le fruit de la réponse
positive de la volonté à l’influx - attraction
du bien - fin; la volonté accepte librement cet influx
et s’oriente vers ce bien; la volonté “se
laisse prendre” et “se porte vers”, d’où une
communion, une unité naissante entre la volonté et
la fin. Cet amour initial est source du dynamisme de croissance
traversant le déroulement de l’agir humain et
s’épanouira dans la conquête de la fin
... tout particulièrement dans la contemplation et
l’amour d’amitié.
L’amour volontaire implique un minimum de connaissance
(confuse, voilée) de la fin par l’intelligence: “On
ne peut aimer, désirer, ce qui n’est aucunement
connu”; cet acte de connaissance très pauvre
est parfois appelé “intellectus”. L’amour
volontaire se distingue de l’amour - passion regardant
un bien sensible, et doit exercer son gouvernement sur l’homme
sensible s’il veut être ce qu’il doit être
et ne pas se dénaturer (voir
les vertus); l’amour
- passion est d’abord possessif, l’amour volontaire
a une “note extatique”. En orientant vers une
fin --digne de la personne - Image-de-Dieu -- l’amour
volontaire donne à la personne les “prémices” d’une
unité intérieure, fondamentale et réelle… la
personne est d’autant plus “une” (avec
elle-même, en elle-même, et donc avec les autres) qu’elle est plus finalisée ... tout particulièrement
par la contemplation de l’Etre premier et l’exercice
de l’amitié vraie.
L’Etre premier - Dieu et la personne faite à Son
image: l’Etre premier, Amour substantiel, exerce son “influx
d’amour - lumière - vérité” sur
la volonté et l’intelligence; concréées
avec l’âme par Dieu, ces facultés gardent
en elles, profondément enraciné, un “instinct
divin”. En donnant, librement, son “oui” à cet
attrait divin, la volonté manifeste que la personne
se reconnaît Image-de-Dieu; son désir d’amour
- lumière - vérité s’intensifiera… sa
liberté intérieure, véritable, rend
la personne de plus en plus autonome envers les moyens, les
conditionnements… sa joie s’épanouit.
En refusant cet influx, la personne ne se reconnaît
pas “Image- de-Dieu”… la personne se dégrade
pour ne plus être qu’un individu psychologique
et sociologique soumis aux multiples esclavages des moyens,
des conditionnements…
L’amour volontaire se veut réalisateur: sa dimension “active… se
porter vers” s’explicite, s’amplifie (sans
s’opposer à sa dimension “passive… se
laisser prendre”); cet amour se porte non seulement
vers la fin, mais aussi et conjointement vers les moyens
de l’atteindre, de l’acquérir: c’est
l’acte d’intention. L’intention ferme,
forte, oriente notre vie, dynamise l’exécution
et qualifie notre personnalité – la vie morale
n’existe que du moment que l’homme peut poser
une intention véritable –; elle
est le moment, l’étape la plus réaliste selon la cause
finale dans le déroulement de l’agir moral.
L’intention, pour être pleinement elle-même – et
ne pas se dégrader en velléité… “l’enfer
est pavé de bonnes intentions”… rêverie – doit
rester enracinée profondément dans l’amour
et être fruit - épanouissement de cet amour;
l’intention coupée de l’amour risque de
mettre la fin dans les moyens… elle perd sa noblesse.
Conseil - consentement - choix
Nous sommes dans la phase de l’agir humain qui regarde
les moyens.
Conseil: l’intelligence fait son enquête sur
les moyens propres à atteindre la fin désirée;
cette enquête doit être très ouverte:
elle se fait auprès de ceux qui savent, de ceux qui
ont de l’expérience… elle ne néglige
pas l’avis de ceux qui nous connaissent le mieux (parents,
amis)… elle peut aussi être “pervertie”:
on choisit délibérément de mauvais conseilleurs… Par
ailleurs, l’intelligence porte un jugement
d’estimation sur les moyens proposés; chaque moyen est pesé,
jugé, en fonction de son adaptation à la fin
(est-il bien convenable pour atteindre
la fin?), de son efficacité (fait-il
gagner ou perdre du temps?) et de sa “réalisabilité” (est-il
réalisable pour moi “hic et nunc”?). L’intelligence
prend aussi conseil auprès d’elle-même:
elle examine tous les moyens possibles et juge de leur qualité.
Cette phase de conseil est parfois “dangereuse” chez
l’intellectuel: d’une part, l’intelligence
orgueilleuse ne veut recevoir de conseil de personne; d’autre
part l’intellectuel peut aimer de demeurer dans cette
enquête ... ce qui est une échappatoire à l’exigence
de réaliser. L’obéissance (du
soldat, par exemple) supprime le conseil.
Consentement: il représente simplement l’accueil
par la volonté des moyens jugés acceptables
par l’intelligence.
Choix: sous l’influx de la fin, de l’attraction
exercée par le bien aimé, la volonté élit,
préférentie tel moyen… “le choix
a ses raisons que la raison ignore”! Cette préférence
amoureuse pour tel moyen rend “partisan”, c’est-à-dire
qu’elle implique sacrifices, renoncements, aux autres
moyens possibles, mais ne doit pas faire de nous des sectaires
condamnant les autres moyens… l’amour de tel
moyen doit toujours demeurer mesuré, relatif à la
fin: il n’y a pas de “mystique” des moyens! Le choix, sommet de cette phase regardant les moyens, peut être
héroïque si son adaptation à la fin dépasse
de beaucoup nos possibilités de réalisation.
Le choix peut être faussé, si l’emprise
des passions du concupiscible est trop grande …nous
choisissons la personne ‘élue’ en fonction
de la beauté de son corps et non de ses qualités
d’âme.
Décision - usage - “Fruition”
Nous entrons dans la phase de l’agir humain qui regarde
l’exécution - usage - réalisation et
s’achève dans la “fruition”.
Décision: L’intelligence donne l’ordre
de réaliser, d’exécuter, ce qui a été choisi; c’est un commandement intérieur que nous nous
donnons à nous-mêmes et qui engage notre responsabilité.
Ce commandement doit être clair, net, précis
-- un commandement ambigu, équivoque, serait dénaturé… une
tricherie envers nous-mêmes -- et fort, dynamique,
impératif -- …décision = “imperium”…--
puisqu’il déclenche et doit pénétrer
tout le temps de l’exécution. La décision
- imperium est un acte d’intelligence tout pénétré de
volontaire ... il est de l’ordre de la cause efficiente
s’exerçant “à l’ombre” de
la cause final, c’est pourquoi, il relève de
l’intelligence plus que de la volonté. Le
champ d’application de l’imperium est vaste:
* il porte sur l’exercice de nos facultés spirituelles,
sauf la détermination de l’intelligence par
son objet, telle qu’elle se réalise dans l’appréhension,
et sauf l’orientation fondamentale de la volonté vers
la fin ultime, telle qu’elle se réalise dans
l’amour initial.
* il doit exercer une emprise, un gouvernement “politique” (et
non despotique) sur l’exercice de nos puissances sensibles
(voire, dans une faible mesure,
sur nos opérations
végétatives) …ce qui fait de l’agir
humain un agir d’Image-de-Dieu et le distingue radicalement
de l’agir animal.
La décision est l’acte humain le
plus réaliste
au point de vue de la cause efficiente… Il court un
double danger:
* s’isoler de la fin et s’exalter dans la volonté,
le goût du commandement… donné aux autres
(volonté de puissance); * se laisser piéger
par les passions de l’irascible.
Usage: L’exécution comme telle implique l’intelligence
qui éclaire, dirige, commande, et la volonté qui
oriente et assure la réalisation effective; l’usage
est avant tout volontaire: une intelligence brillante servie
par une volonté faible aura beaucoup de peine à réaliser.
L’exécution engage toute la personne; elle implique
labeur - travail avec “des creux et des sommets”;
elle doit surmonter les obstacles - difficultés… ce
qu’elle ne peut faire qu’en étant solidement
ancrée dans l’intention, dans l’amour
initial. Coupée de l’intention, de l’amour,
l’exécution “tourne à vide” … rendement,
efficacité, sont alors ses lumières! …stress!.
Fruition - joie: Les facultés
spirituelles, la personne, se repose dans la possession du
bien - aimé, dans
la communion avec lui; ce repos – qui n’est pas
un “vide”, mais une plénitude, un acquis
au-delà du travail – est source de joie,
de
bonheur… la personne
connaît une unité et
une paix intérieures la rendant très autonome,
très libre, relativement aux moyens et aux conditionnements.
RESPONSABILITE
, CONSCIENCE MORALE ET LIBERTE
Les actes humains
que nous posons – tout particulièrement
nos intentions, nos choix, nos décisions – nous
engagent envers nous-mêmes, envers les autres, envers
la communauté, voire envers l’Etre premier;
nous sommes responsables des actes que nous posons.
Cette responsabilité morale est la conséquence,
le fruit du “dominium”, de la maîtrise
que nous exerçons sur nos actes; cette maîtrise
manifeste que nous sommes véritablement cause de nos
actes: “le vivant de vie spirituelle est celui qui
se meut dans ses opérations”. Cette maîtrise
implique d’une part: que les actes que nous posons
ne nous soient pas imposés de “l’extérieur”… nous
agissons librement [cet
extérieur peut être
la vie sensible, en tant que l’imagination, les passions
désordonnées, s’imposent et perturbent
l’exercice de notre vie spirituelle… nous sommes
alors esclaves de nos passions; plus généralement,
cet “extérieur” est tout ce qui s’impose
en défigurant la personne Image- de-Dieu]; d’autre
part, que nous jugions correctement – c’est-à-dire
sous la lumière de la fin désirée, aimée,
fin conforme à notre qualité d’Image-de-Dieu – de
la nature des actes à poser ou à ne pas poser.
Liberté et jugement de valeur conditionnent, structurent
notre responsabilité.
Conscience morale
Elle s’exprime dans le jugement de valeur que nous
portons sur nos actes humains; ce jugement, oeuvre
de l’intelligence,
manifeste la capacité qu’a l’intelligence
de se juger, de juger le déroulement de l’agir
humain, de juger nos intentions, nos choix, nos décisions.
Ce jugement n’est possible, ne se comprend que parce
que nos facultés spirituelles, notre intelligence,
portent en elles-mêmes une “lumière divine”,
un “instinct divin” profond, caché… même
si l’athée nie cet instinct profond, ce jugement
peut se faire entendre dans des circonstances extrêmes, à l’article
de la mort en particulier. Ce jugement est très conditionné par
les “premiers principes pratiques” acquis pendant
la première éducation de l’enfant au
sein de la famille… en imitant ce qu’il voit
faire, l’enfant acquiert ses premiers principes moraux… sa
personne morale en son fondement, en sa racine, est façonnée
par cette imitation, cette éducation. C’est
pourquoi, ces jugements de valeur peuvent être et sont
souvent fort différents d’une personne à l’autre.
Les premiers principes spéculatifs naissent dans une
grande indépendance par rapport au milieu de vie.
Ce jugement de valeur existe à toutes les étapes
de l’agir moral: il approuve nos choix (ou réprouve… influence
exagérée du concupiscible, par exemple), nos
décisions (ou réprouve… influence exagérée
de l’irascible, de la “volonté de rendement”,
par exemple), nos intentions (ou réprouve… ne
pas se “laisser prendre”, suite à un “a
priori” athée, par exemple), notre labeur -
travail (ou réprouve notre paresse ou notre zèle
mal ordonné). Ce jugement qui se fait entendre avec
beaucoup de discrétion peut être écouté,
ou rejeté, piétiné… Ce
jugement assume le temps; en jugeant nos choix, nous sommes tournés
vers le passé; en jugeant nos décisions, nous
sommes inscrits dans le présent -- puisque la décision
commande l’exécution --, en jugeant nos intentions,
nous sommes tournés vers le futur vers la fin aimée à conquérir.
Une conscience morale trop axée sur le passé,
respectivement le présent, le futur, conduit facilement
au scrupule, respectivement à l’indécision, à la
neurasthénie.
Nous mesurons combien la responsabilité morale d’une
personne, fonction de sa conscience morale, est nuancée,
difficile à estimer… non seulement pour l’entourage,
mais aussi aux yeux de cette personne. Il demeure que nous
devons être attentifs à veiller à la
santé de notre conscience morale, à permettre à l’Image-de-Dieu
qui est en nous de se faire entendre. Hélas! Non seulement
la personne Image-de-Dieu est rejetée dans toute une
psychologie moderne; mais, de plus, on refuse à l’enfant
le bénéfice de l’acquisition de principes
pratiques moraux, sous prétexte de liberté… qui
n’est en fait qu’une réduction à l’esclavage,
ainsi que ses fruits (violence,
sexualité débordante,
drogue, suicides…) nous le manifestent.
Liberté morale
La volonté est, ou doit être, maîtresse
de son devenir; devenir qui n’est pas purement efficient,
mais doit demeurer sous la mouvance de la fin. La volonté donne
son “fiat”, son “oui”, à l’attrait
de la fin, aux divers moments du déroulement de l’agir
moral. La liberté morale est cette modalité d’exercice
de la volonté qui exprime, manifeste cette maîtrise,
cette souveraineté. La liberté morale parfaite
est celle qui résulte de l’orientation de la
volonté vers la fin ultime de l’homme Image-de-Dieu, à savoir
la contemplation (métaphysique) et l’amour d’amitié;
la liberté s’appauvrit, se “dis-qualifie”,
lorsque la volonté se laisse séduire par des
biens relatifs, intermédiaires, ou par des pseudo-biens.… “la
personne humaine est libre dans la mesure où elle
est finalisée par le souverain bien”. Cette
liberté souveraine, parfaite, implique une “indifférence” --
qui ne veut pas dire mépris -- envers les moyens… les
moyens sont vécus et connus pour ce qu’ils sont:
des moyens, des relatifs. La personne mal ou non finalisée
connaît le poids, l’esclavage des passions, des
instincts, des contraintes imposées par la communauté (toute
modalité de communauté)… elle en souffre
(plus ou moins) “bêtement”… alors
que la personne bien finalisée peut connaître
une vraie liberté morale même sous la “botte
de l’occupant” ou devant la mort (voir Socrate).
Nous pouvons distinguer diverses modalités d’actes
libres:
* Une liberté d’exercice fondamentale, la plus
enracinée: “se laisser prendre - se porter vers”… elle
regarde immédiatement la fin, son attraction, son
influx… elle qualifie nos intentions, notre amour initial;
ce qui est premier est aussi ultime: c’est pourquoi,
nous pouvons dire que la liberté donne sa qualité à l’amour
parfait, achevé… nous
sommes créés
libres pour pouvoir aimer en vérité. En aimant
la Fin ultime, l’Etre premier, Amour substantiel, nous
connaissons, expérimentons, la souveraine liberté.
* Une liberté d’exercice (efficiente) au niveau
de la décision, de l’usage: “faire - ne
pas faire”… c’est la modalité de
liberté la plus courante, la plus immédiate;
celle qui, lorsque l’agir moral est coupé de
la fin, peut devenir tyrannique pour soi et pour les autres
(…cela est interdit: donc, je le fais…).
* Une liberté de spécification - détermination: “ceci
ou cela”, qui se manifeste principalement dans nos
choix, donc relative aux moyens.
Ces modalités diverses de liberté doivent être
bien ordonnées, s’harmoniser pour épanouir
notre liberté; la liberté d’exercice
(efficiente) peut mettre un obstacle sérieux au développement
de notre personnalité: le “non”, psychologiquement,
apparait plus fort que le “oui”, et semble mieux épanouir
notre personnalité.
RESPONSABILITÉ MORALE
Elle donne à la personne sa qualité la plus
noble. Etre responsable de notre agir, de nos actes, en les
assumant pleinement, est le signe d’une vraie et forte
personnalité; “être responsable” est
le fruit d’un travail intérieur, profond; “être
responsable” se manifeste, “se construit” à tous
les niveaux de l’agir humain. La responsabilité la
plus fondamentale, la plus profonde, se situe au niveau de
nos intentions; elle implique notre liberté d’exercice
(fondamentale) et notre jugement de conscience morale regardant
le futur; elle donne à notre personnalité une
dominante caractéristique: la sécurité… sa
déficience ouvre la porte aux angoisses d’insécurité.
La responsabilité existe aussi au niveau de nos choix;
elle implique notre liberté de détermination
et notre jugement de valeur regardant le passé; elle
donne à notre personnalité une dominante caractéristique:
la valeur… sa déficience ouvre la porte aux
angoisses dites morales. La responsabilité la plus
visible se situe au niveau de nos décisions et de
l’exécution; elle implique notre liberté d’exercice
(efficiente) et notre jugement de valeur regardant le présent;
elle donne à notre personnalité une dominante
caractéristique: l’autonomie… sa déficience
conduit aux angoisses dites du réel. Ces notes dominantes
et ces formes d’angoisses sont bien connues des psychologues;
sécurité, valeur, autonomie devraient se fortifier,
s’épanouir en harmonie.
Notre responsabilité est très conditionnée
par notre éducation, par le type de société… Marxisme
et freudisme (en tant qu’ils réduisent l’homme à n’être
plus que partie du Tout - Etat ou à sa dimension sensible
- végétative), et sous leurs influences le
monde contemporain, ont perdu le sens de la responsabilité morale… l’homme
n’est plus responsable de son agir [conseil donné à un “supérieur” (militaire,
politicien, homme d’affaires, etc): “Ménage-toi
toujours un subalterne qui puisse porter la responsabilité de
tes actes, de tes décisions”!]… règne
de l’anonymat…
Ne confondons pas la responsabilité morale et la responsabilité civile;
celle-ci se juge en fonction des lois de la Cité.
La responsabilité morale est cachée, secrète… il
est difficile d’en juger.
Schéma - esquisse d’organisation:
LES VERTUS
La personne humaine, esprit
incarné, vit dans une
unité de vie plus ou moins harmonieuse; le bien ultime,
propre à l’Image-de-Dieu – contemplation,
amour d’amitié – en attirant à lui
ne supprime pas la complexité du vivant - homme: les
passions mal réglées, désordonnées,
l’imagination, les instincts, risquent toujours d’interférer
avec la vie spirituelle et ses exigences propres. La
personne (morale), qui naît dans un état d’enfance
non seulement physiologiquement, mais aussi psychologiquement
et spirituellement (d’où sa fragilité,
ses possibilités d’erreurs, d’égarements,
de conflits… c’est là un fait d’expérience) doit
apprendre à se gouverner.
La personne s’épanouit, sa vie morale grandit
et s’affermit par l’exercice répété d’actes
moralement bons. Le sportif - athlète acquiert ses
qualités sportives spécifiques par l’exercice
répété d’actes physiques réussis;
de même, les habitus intellectuels de sciences et d’arts
sont acquis par l’exercice répété des
actes correspondants. L’exercice répété d’actes
moralement bons permet à la personne morale d’acquérir
des qualités morales: les vertus.
Les vertus ne sont pas à confondre avec les habitus
intellectuels spéculatifs (regardant
la saisie des premiers principes : intellectus , ou les conclusions-synthèse
: sagesse , ou les raisonnements : sciences) ou pratiques
(regardant l’exercice des différents arts) ...
ces habitus intellectuels sont aussi des qualités
acquises par l’exercice d’actes intellectuels
réussis!.
On distingue quatre vertus principales, dites cardinales:
* La tempérance, qui a pour mission de rectifier les passions du concupiscible,
de permettre à la vie spirituelle d’exercer sa régence
sur la vie sensible et végétative.
* La force, qui joue un rôle analogue
envers les passions de l’irascible.
* La justice, qui règle “équitablement” les rapports
entre la personne et les autres personnes, entre les personnes en vue du bien
propre à la Cité - communauté; elle apprend à respecter
les droits de l’autre personne et à connaître ses propres
droits.
* La prudence, qui permet à la personne d’exercer un gouvernement
vrai et éclairé sur elle-même, sur ses activités
(particulièrement appétitives et sensibles).
Ces quatre vertus sont “interconnectées” entre elles… une
dominante peut se présenter… mais, on ne peut être “spécialiste” d’une
vertu (les autres étant négligées)… elles progressent
(ou régressent) en étant profondément reliées.
Tempérance
La volonté, éclairée par l’intelligence,
veut et doit exercer son pouvoir - dominium sur les passions
du concupiscible et sur les instincts de la vie végétative.
La vertu de tempérance, dont le siège est dans
la volonté, modère, tempère, rectifie
l’exercice de ces passions et de ces instincts. Cette
maîtrise exercée par la volonté implique:
d’une part que les biens sensibles - végétatifs
soient relativisés (aucun absolu, aucune finalité n’est
mis en eux), et, d’autre part, que le coeur de l’homme
ne soit pas détruit dans sa sensibilité; un
juste milieu entre les extrêmes doit être ainsi
réalisé. L’homme sensible est harmonisé à l’homme
spirituel; tranquillité d’âme et de coeur
est le fruit de cet équilibre; la dimension valeur de la personne est confortée, enrichie.
La tempérance, lorsqu’elle s’exerce à l’égard
du boire, du manger ou de l’activité sexuelle,
prend une note très spécifique et donne naissance
aux vertus annexes de sobriété, d’abstinence,
de chasteté et de pudeur, ainsi qu’elle sont
traditionnellement appelées.
Force
La volonté, éclairée par l’intelligence,
veut et doit exercer son pouvoir - dominium sur les passions
de l’irascible. La vertu de force, dont le siège
est dans la volonté, permet l’exercice de cette
maîtrise de l’esprit sur l’irascible et
sur tout ce qui regarde les situations difficiles de la vie
sensible et végétative. Les passions sont “mesurées” – ni
audace ou crainte excessives, ni espoir ou désespoir
démesurés, ni colère folle – afin
de permettre à la vie selon l’esprit de s’épanouir
en pleine lumière; tout excès, toute démesure
provient de ce qu’on met dans les biens sensibles (difficiles à acquérir)
une finalité, un absolu, qui ne doit pas s’y
trouver. En permettant, en réalisant un juste équilibre
dans les passions de l’irascible, la
vertu de force oriente le capital d’énergie, de vie, vers les
fins propres et spécifiques à la personne humaine.
La dimension sécurité de la personne est confortée.
Deux modalités d’exercice se présentent:
soit la vertu de force apparait comme une vertu de conquête,
d’attaque, soit elle permet de “tenir le coup” dans
les difficultés, les échecs, les contrariétés.
Comme vertu de conquête, elle doit veiller à ne
pas se finaliser dans la lutte… la lutte exaltée
pour elle-même est aveu de volonté de puissance
supplantant l’amour… et n’est plus le fruit
d’une vertu. La force est le plus elle-même dans
sa fonction “spirituelle” de “tenir le
coup” en maintenant les intentions profondes de la
personne en toute circonstance (ce qui est le plus difficile);
c’est en intériorisant la lutte, en l’élevant
grâce à la vie de l’esprit, que la force
surmonte les obstacles, le poids des échecs. En péril
de mort, elle donne à la personne une force d’âme
fondée sur l’immortalité de l’âme
et l’espérance d’un bonheur éternel.
La force, vertu volontaire, a une noblesse particulière
puisqu’elle regarde le sommet de la vie sensible (niveau
cinq), et, en même temps, qu’elle dynamise et
fortifie de l’intérieur la vie de l’esprit.
Plusieurs vertus annexes se
situent en dépendance
de la vertu de force:
La patience modère les désirs trop efficients
d’obtenir des résultats rapides palpables et
visibles; elle laisse travailler le temps et les événements.
La persévérance permet de maintenir la fidélité aux
grandes intentions de vie aux travers des luttes longues
et tenaces… à la limite, la vertu de martyre
(sanglant ou non) peut être considérée.
La magnanimité permet d’agir en réglant
notre action sur nos vrais capacités, sur notre vraie
valeur… il faut beaucoup de force intérieure
pour se jauger selon sa vraie valeur et agir en conséquence… la
magnanimité donne à l’âme une noblesse
intérieure.
Justice
La personne, toute personne, a un droit fondamental et essentiel – droit
naturel – à exercer les activités propres,
nécessaires à l’épanouissement
de l’Image-de-Dieu en elle; à savoir:
* vie affective spirituelle impliquant le choix (libre) d’un
ami et l’exercice de l’amitié;
* vie de l’intelligence impliquant le droit à la
vérité et l’exercice (in fine) de la
contemplation;
* vie familiale impliquant le droit de fonder une famille
(par le choix libre d’un conjoint) et le droit à la
procréation et à l’éducation (de
base, première) de l’enfant;
* vie religieuse impliquant le respect de sa propre conscience
morale, de sa liberté (morale) et de celle des autres
personnes.
Par ailleurs, de droit naturel aussi la personne a droit à la
nourriture, au logement (assurant un minimum d’intimité pour
la famille en particulier) et au vêtement; ceci dans
une mesure modeste, raisonnable… fonction du type de
société. Il existe aussi un certain droit
de propriété – très conditionné par
le milieu de vie – envers ce qui est légitime
et nécessaire à l’épanouissement
de la personne (et de sa famille) (livres, outils de paysannerie,
matériel d’artiste,…).
La vertu de justice, dont le siège est dans la volonté,
nous donne de respecter les droits
propres à toute
personne, à l’autre personne – ce qui
implique le respect des consciences, de la liberté morale
et de l’intégrité corporelle – et
de faire respecter nos propres droits personnels. La justice épanouit
l’autonomie de la personne en donnant, concrètement,
un sens exact de cette juste autonomie.
La vertu de justice implique pour s’exercer, s’épanouir,
une Cité - communauté; elle structure celle-ci
en lui donnant son visage humain, en en faisant une Cité d’hommes;
cette structure est d’autant plus profonde et vraie
que le Bien commun propre à la Cité est plus
parfait, achevé… et que les membres de la Cité sont
plus profondément “homme”… la tempérance,
la force permettent à la personne d’être
plus juste envers elle-même et envers les autres. Les
relations d’amitié entre deux amis (communauté limite)
impliquent la justice: comment aimer en vérité son
ami, si l’on ne respecte pas ses droits personnels
les plus profonds?
Diverses modalités de justice s’exercent dans
la Cité pour lui donner son unité, sa cohérence:
La justice commutative, génétiquement première,
fondamentale, règle les rapports entre citoyens, entre égaux.
La justice distributive règle les rapports de celui
qui détient une autorité, le “supérieur”,
aux membres de la Cité; elle est d’autant plus
manifeste et nécessaire que la communauté est
plus structurée et qualifiée par un Bien commun
de haute perfection; elle exige de la part de l’autorité gouvernante
un sens aigu de sa responsabilité (morale et civile),
ainsi que le respect des consciences, de la liberté (morale)
et des qualités de chaque citoyen.
La justice générale ou légale est celle
exercée par le citoyen en tant qu’il regarde
le Bien commun de la Cité, qu’il met ses talents
au service de ce Bien commun et qu’il respecte les
lois éditées par l’autorité – ces
lois expriment les exigences à suivre pour sauvegarder
le Bien commun.
Les justices distributive et légale donnent sa perfection
et son unité à la Cité - communauté et
s’exercent au service du Bien commun et de l’épanouissement
des citoyens.
Trois vertus
annexes s’explicitent en dépendance
de la justice:
* la religion apprend à respecter les droits de l’Etre
premier, Créateur et Providence;
* la piété apprend aux enfants à respecter
les droits légitimes des parents et à tout
citoyen à respecter les droits des “anciens”;
* l’obéissance apprend à respecter les “commandements
de Dieu” (tels qu’ils sont inscrits dans l’ordre
naturel) et à respecter les lois de la Cité.
Prudence
Les activités de l’agir humain impliquent une étroite
coopération de l’intelligence avec la volonté;
l’intelligence est guidée par la fin, le bien
aimé - désiré qui oriente la volonté;
elle se met au service de l’acquisition, de la conquête
du bien concret, existentiel. Cette activité pratique, “incarnée”,
est moins connaturelle à l’intelligence que
l’activité spéculative orientée
vers la conquête de la vérité. [Entre
ces activités pratique et spéculative il n’y
a pas d’opposition, puisque la vérité est
elle-même un bien.] C’est pourquoi, l’intelligence
doit être éduquée, apprendre à se
mettre au service de la volonté, à se laisser
guider par l’influx du Bien - Fin désiré;
elle doit acquérir au travers des luttes, en posant
des actes réussis, une qualité qui la perfectionne:
la prudence.
La vertu de prudence est la
vertu du gouvernement intérieur que
toute personne doit exercer sur ses activités
morales et politiques - communautaires. L’intelligence
pratique projette sa lumière sur tout l’agir
humain; elle éclaire, de l’intérieur,
l’exercice des vertus de tempérance, de force,
de justice; elle est la “clef de voûte” de
l’édifice moral des vertus et apparait comme
une sagesse pratique.
L’homme prudent sait mesurer son engagement personnel
et fait preuve d’une responsabilité véritable, éclairée;
il sait se servir des expériences passées pour éclairer
son agir actuel et futur… il insère son activité dans
le présent d’une manière très
réaliste… il ne se laisse pas dominer par les événements
futurs, ni ne cherche à les dominer. L’homme
prudent s’engage avec fermeté, lucidité;
il est l’homme des responsabilités, l’homme
de gouvernement… la prudence du “petit bourgeois” en
est la caricature.
Notons que les activités artistiques, de la création
artistique, s’exercent dans une grande indépendance
vis-à-vis de la prudence; elles sont guidées
par une inspiration. Les habitus d’art et la prudence
sont distincts, bien que leur siège commun soit le
même: l’intelligence pratique.
L’acquisition des vertus implique beaucoup de volonté,
de discipline envers soi-même; une (auto-)éducation
est nécessaire. Ces qualités morales sont susceptibles
d’être toujours plus parfaites… elles s’approfondissent,
se fortifient au travers des luttes [Ainsi,
celui qui fait de l’escalade, se perfectionne en franchissant des
passages techniquement plus difficiles… et cela après
plusieurs essais ou échecs.]… Ce sont des qualités
acquises et des moyens au service de la conquête
de la Fin. Les vertus sont
ordonnées à l’amour – à l’exercice
de l’amour d’amitié, en particulier… ou
de la “concorde” entre citoyens…–;
si l’on est juste, fort, tempérant, prudent,
c’est en vue d’aimer d’une manière
plus authentique, plus vraie, plus parfaite. Toute une morale
de type stoïcien et présentée comme chrétienne
a exalté la vertu pour elle-même! Cette morale
a réduit la vertu à l’observance de préceptes
imposés du dehors… cette morale décapitée
a eu pour fruit “la nausée” de toute morale,
dont notre monde pâtit aujourd’hui! Il faut redécouvrir
la valeur de la vertu ordonnée à l’amour, à l’amour
miséricordieux.
Notons enfin que telle ou
telle vertu est plus liée à tel
ou tel moment de l’agir moral: la prudence aux intentions
de vie; la tempérance aux choix; la force aux décisions;
la justice à l’exécution.
AMOUR D’AMITIE ET CONTEMPLATION (METAPHYSIQUE)
Au terme d’une (auto-)éducation plus ou moins
longue et laborieuse, nos facultés spirituelles exercent – ou
devraient exercer – leur maîtrise sur le devenir
humain, spirituel, de l’homme Image-de-Dieu. Maîtrise
ordonnée à la conquête du vrai bonheur,
du bonheur le plus propre à l’homme. En quoi
consiste ce bonheur parfait, achevé, au-delà de
tous les biens particuliers, relatifs, secondaires?
La sagesse naturelle, en philosophie première (dite
métaphysique), nous fait découvrir l’existence
d’un Etre premier qui est son exister, qui est Intelligence
suprême, qui est Amour (dit substantiel) et qui est
source (et même créateur) de tous les “existants” que
nous sommes. Notre bonheur premier
consiste dans la rencontre, la contemplation de cet Etre
premier: “Contemplation
de la contemplation”, nous dit le “païen” Aristote!
Contemplation
La contemplation de l’Etre premier donne son achèvement,
son épanouissement, à notre amour - désir
de la vérité, puisque nous le découvrons,
le “touchons”, comme Vérité substantielle.
Mais, nous ne pouvons saisir le “quid” divin,
nous ne pouvons le voir tel qu’il est en Lui-même… nous
le contemplons au travers de Ses attributs (cf théologie
dite naturelle, partie sommitale de la philosophie première)
dans une contemplation intellectuelle
fondée sur la
connaissance sensible (celle-ci fonde le réalisme
de notre connaissance). L’Etre premier, Esprit pur,
n’est aucunement atteint par la connaissance sensible… mais,
de l’existence (limitée, finie) et des propriétés
des réalités sensibles, expérimentées,
nous pouvons “remonter” en toute rigueur et certitude à l’existence
de l’Etre premier (voir les preuves de cette existence
en philosophie première) et à la saisie de
Ses attributs. Cette connaissance “de pointe”,
contemplative, nous permet alors de porter des jugements
de sagesse sur les réalités créées
et sur l’homme en particulier.
La contemplation philosophique, sommet de la vie de l’homme-esprit,
est axée sur l’intelligence et est assez “ingrate” en
ce sens qu’elle ne nous met pas en relation d’amour
avec Celui qui est amour… C’est dans une Révélation
que l’Etre premier - Dieu se fera connaître et
aimer; la contemplation mystique est contemplation - amour,
axée sur la volonté (surélevée
par la grâce): le croyant contemple dans la mesure
où il aime (théologalement).
La contemplation est l’activité la plus originale
de l’intelligence, se servant des trois opérations
- types (appréhension simple, jugement, raisonnement)
sans être réductible à aucune d’elle; “activité” qui
est une activité de repos se donnant dans une plénitude
de lumière… la communion avec la Fin est réalisée!
Cette souveraine activité est la plus indépendante,
la plus libre, la plus autonome envers tout conditionnement… activité -
source de joie profonde et inaliénable. La vie du
philosophe contemplatif est transformée par le contact
avec Celui qu’il a découvert comme Source de
toute lumière, de toute vie, de tout amour, comme
Créateur de son âme et de l’Univers, comme
Père de son intelligence et de sa volonté,
comme Personne achevée infiniment parfaite, simple
et bonne.
“
L’homme ne vit plus alors en tant qu’homme, mais
en tant qu’il possède quelque “caractère
divin”… Si donc, l’esprit, par rapport à l’homme,
est un “attribut divin”, une existence conforme à l’esprit
sera, par rapport à la vie humaine, véritablement
divine. Il ne faut donc pas écouter les gens qui nous
conseillent, sous prétexte que nous sommes mortels,
de renoncer aux choses immortelles.” (Aristote le “païen”,
Ethique de Nicomaque).
Amour d’amitié
De toutes les réalités que nous expérimentons,
la plus parfaite, la plus achevée, est l’homme,
la personne humaine; un tissu de relations fort diverses
et complexes nous unit à l’autre, aux autres.
Une autre modalité de bonheur se présente,
se réalise dans la rencontre avec l’autre; celle
que l’on appelle amour d’amitié.
L’amour d’amitié représente la
forme parfaite, achevée de l’amour. L’amour
volontaire initial – complaisance envers le bien -
fin qui attire – pour telle personne s’achève
et s’épanouit dans l’amour d’amitié.
L’amour sensible s’intègre, avec discrétion
- discernement, dans l’amour d’amitié.
Cet amour implique le don personnel de l’ami à l’ami:
l’ami se donne à son ami selon ce qu’il
a de meilleur en lui. Ce don personnel implique une très
grande confiance en l’ami et un bien de réciprocité;
l’ami ne peut se donner à l’ami que si
celui-ci se donne à son ami… sinon l’échange
d’amour ne serait plus vrai… le circuit d’amour
serait coupé. Ce don mutuel
doit épanouir l’Image-de-Dieu
qui est en chacun des amis: c’est là l’effet,
le signe aussi, de l’authenticité du lien d’amitié.
Ce don mutuel respecte les qualités propres à chacun
des amis en les épanouissant. Cet amour d’amitié peut
toujours croître et se dépasser… l’amour
implique une surabondance, qui ne se laisse pas enfermer
dans des limites. Amour éclairé, lumineux,
il implique une harmonie entre les volontés, et aussi
les intelligences, des amis. L’union des amis peut
s’épanouir dans une vie commune et une activité commune
(savants travaillant en laboratoire de recherche ou en quelque
observatoire astronomique, artistes présentant un
spectacle – les gens du cirque forment une grande famille – etc).
Diverses modalités d’amour d’amitié existent:
amour paternel et amour filial, typiques du lien parents
- enfants et aussi d’un “lien spirituel” (maître
- disciples); amour fraternel entre frères et soeurs
(selon le sang), entre contemplatifs - philosophes, savants
ou artistes; amour conjugal liant l’époux et
l’épouse (ayant pour fruit l’enfant).
L’amour d’amitié vrai n’est pas
un amour égoïste, enfermant les amis sur leur
lien affectif; au contraire, étant amour, il implique
ouverture et accueil à toute autre personne avec laquelle
une telle communion peut se réaliser (bien évidemment,
en raison de son lien selon la chair et le sang, l’amour
conjugal garde son originalité propre); cette note
d’ouverture ne contredit pas le caractère personnel,
exclusif, “jaloux” (dans le sens positif du terme)
du lien amical… au contraire, plus le lien est fort,
vrai, plus l’accueil est présent. Les liens
d’amitié qui relient une personne à ses
amis sont divers et “hiérarchisés”;
la qualité des liens est manifestée par la
nature des secrets que nous pouvons communiquer à tel
ou tel ami (le secret, connaissance d’ordre affectif, “secret
du coeur”, peut être communiqué à l’ami
sans que cela soit trahison, divulgation… le secret
se distingue du signe et du symbole: le secret est à la
connaissance affective ce que le signe (respectivement le
symbole) est à la connaissance intellectuelle - spéculative
(respectivement connaissance artistique)).
L’amour d’amitié est chose rare: une perle
précieuse ayant une dimension d’éternité (puisque
située au niveau des âmes immortelles). Hélas,
elle peut être ruinée par la trahison de l’ami… c’est,
avec l’échec sur la voie de la contemplation,
les deux échecs, les deux situations - limites les
plus graves pour l’homme Image- de-Dieu.
“
Vouloir le bien de ses amis pour leur propre personne, c’est
atteindre le sommet de l’amitié. …Il est
naturel que de pareilles amitiés soient rares… Il
ne faut accepter quelqu’un comme ami et ne se lier
avec lui qu’après avoir constaté des
deux côtés qu’on est digne d’amitié et
de confiance.” (Aristote, Ethique à Nicomaque).
St.Thomas d’Aquin: “Le véritable signe
de l’amitié est que l’ami révèle à son
ami les secrets de son coeur. En effet, puisque les amis
n’ont qu’un seul coeur et qu’une seule âme,
l’ami ne sort pas de son propre coeur ce qu’il
révèle à son ami.” (Commentaires
de St.Jean).
En cette fin de millénaire sont apparues des doctrines
nées en milieu athée – pour
lequel Dieu, étant
conçu comme le “rival” de l’homme,
est rejeté, nié a priori… pour libérer
l’homme! – qui placent le bonheur de l’homme
dans l’exaltation d’un surhomme:
* par sa volonté de puissance, l’homme exalte
son pouvoir sur la création… pour effacer la
trace du Créateur… faire de “nouveaux
cieux” et une “nouvelle Terre” (un Nietzsche);
* l’homme s’exalte lui-même, se mettant
au-dessus de tout bien et de tout mal… se faisant dieu
pleinement pacifié (un Freud);
* l’homme travailleur trouve son bonheur dans l’Etat
souverain et paternel (un Marx);
* l’homme positiviste se libère de toute métaphysique
en n’acceptant que la science des faits et ne reconnaissant
comme vérités que celles qui sont mesurables
(un Comte);
* l’homme souverainement libre rejette toute finalité et
exalte le geste gratuit, absurde (type suicide) (un Sartre).
L’homme défiguré, perverti, est devenu étranger à sa
véritable béatitude (naturelle): contemplation
et amour n’ont plus de signification!
Contemplation et exercice de l’amour d’amitié donnent
son ultime épanouissement à l’Image-de-Dieu
que tout homme est. Cet épanouissement implique un
exercice équilibré des vertus morales, en particulier
de la justice, puisque le contemplatif est inséré dans
de multiples communautés (pays, famille, professionnelle,…).
Le contemplatif - ami connaît une liberté intérieure
profonde; c’est un homme responsable, un homme de paix
et de joie. L’exercice de la contemplation et de l’amitié conduit à mettre
en évidence des vertus morales secondes:
* le martyre (sanglant ou non) par fidélité à la
Vérité et à l’Amour… voir
le “païen” Socrate;
* l’humilité dans le prolongement de la magnanimité:
connaissance expérimentale de sa vraie valeur et de
ce que tout don est don de Dieu;
* la chasteté et la virginité d’esprit
(Dieu premier en tout), de coeur (tout homme est vu comme
Image- de-Dieu), de corps (corps uni, de la manière
la plus forte, à l’esprit, ce qui implique respect
du corps de tout homme);
* la religion, la piété et l’obéissance;
* la miséricorde, en présence de la misère
de l’autre… la pénitence en présence
de notre propre misère.
ADDENDA: POUR LES CROYANTS
La vie pneumatique - sous la motion
de l’Esprit -
Pneuma - structurée par les vertus théologales,
les vertus morales infuses et les Dons du Saint Esprit, ne
détruit pas la structure humaine morale de la personne.
La responsabilité du croyant est plus engagée:
elle est à la mesure des dons divins reçus.
La foi ne dévalorise pas l’intelligence, mais
lui communique une lumière divine. La
vie pneumatique engendre en l’Image-de- Dieu un fils-de-Dieu.
Le fils-de-Dieu en le croyant est appelé à une
béatitude surnaturelle transcendant tout bonheur humain,
même le plus parfait: participation à la Vie
intime de la Très Sainte Trinité… Vie,
qui peut être déjà vécue proportionnellement
sur Terre. Cette béatitude implique contemplation
mystique et exercice de la charité (dite fraternelle);
cet amour théologal implique participation au Mystère
de la Rédemption… fécondité pour
le salut des âmes… en
cela, il bouleverse la conception philosophique du bonheur.
La vie morale de la personne humaine
apparait bien fragile; le cheminement moral implique luttes,
progressions, régressions,… A
l’échelle du monde (d’aujourd’hui),
nous constatons un déferlement du mal, des passions,
de la violence, de la haine,…; déferlement peu
compréhensible pour le philosophe; l’emprise
- primauté qu’exercent les biens végétativo-sensibles
sur les biens spirituels, la complexité de l’homme
psychique (si fortement conditionné par son environnement
humain), ne suffisent pas à rendre raison de l’ampleur
du mal, des ténèbres. Il
manque au philosophe la lumière de la foi, qui nous apprend que l’homme
n’est pas seul acteur: les anges déchus oeuvrent
en vue de contrecarrer le Gouvernement divin (le “Plan” de
Dieu), en particulier en défigurant l’homme
Image-de-Dieu (exaltation de l’imagination et de l’affectivité sensible;
réduction de la personne à l’individu
partie du Tout - Etat; négation de l’âme,
fruit d’un Geste créateur divin, ce qui permet
de considérer l’homme comme l’aboutissement
d’une chaîne - évolution purement physiologique;…);
ainsi l’homme manque sa vocation divine. La responsabilité de
l’homme est diminuée… il est faible: c’est
pourquoi, il peut être repris par la Miséricorde
divine.